Histoire des représentations du Prophète en Occident

Le 02/10/1808 Johann Wolfgang von Goethe et Napoléon Bonaparte se rencontrent à Erfurt, ils discutent de littérature et de politique.

Apprenant que Goethe avait traduit la tragédie de Voltaire « le fanatisme ou Mahomet le prophète » en allemand, Napoléon s’offusqua: « ce n’est pas une bonne pièce, elle fait un portait indigne d’un conquérant universel, d’un grand homme qui a changé le cours de l’Histoire. »

Cette pièce de théâtre de Molière qui semble s’en prendre à Muhammad, s’attaque en faite à l’église catholique, que Molière ne pouvait pas attaquer directement donc utilisa le prophète de l’islam pour passer son message.

Muhammad a toujours été au cœur des discours européens, les chroniqueurs médiévaux des croisades le décrivent comme l’idole des sarrasins qui a détourné les arabes du christianisme par des faux miracles, cela pour justifier la croisade et leur arracher à la terre sainte.

Cette image négative perdura, aux 19e et 20e siècles, elle légitimera la colonisation.

Muhammad occupe tantôt une place de répulsion ou de peur et de fascination ou d’admiration.

Michel Servet influencé par le Coran s’en inspirera pour réfuter la trinité et finira sur le bûché, aux 17 et 18e siècles, les auteurs anglais et français le présentent comme un réformateur qui a aboli les privilèges d’un clergé corrompu et superstitieux, faisant preuve de tolérance envers les juifs et les chrétiens, rétablissant le monothéisme dans sa pureté.

Puis au cours des 18 et 19e siècles, il est décrit comme un « grand homme », un héros ayant donné à son peuple, une loi, une religion et la gloire.

Le sujet du livre n’est donc pas Muhammad mais Mahomet, la figure imaginée et mise en scène par les auteurs européens.

Quand l’auteur du livre citera Muhammad, c’est qu’il parle de l’individu historique tel qu’il est décrit dans la tradition musulmane et quand il citera Mahomet, c’est qu’il parle de la figure imaginée par l’occident.

Chapitre 1, Mahomet, idole des sarrasins

Mahomet est décrit comme une idole adorée par les arabes, les musulmans comme des païens, des romans sont publiés pour propager cela ainsi que des chansons populaires dans le but de justifier les croisades.

Les chrétiens pensent alors combattre l’idolâtrie.

Plus tard lors des violents déchirements au sein de l’église, suite aux hérésies et à la remise en cause de l’autorité ecclésiale, Mahomet devient alors un hérétique et non plus une idole, il est accusé d’avoir détourné les orientaux de la trinité et de dire que Jesus n’est qu’un être humain, d’avoir pris l’ancien testament pour rédiger le Coran.

L’image de Mahomet évolue, il n’est plus l’idole des arabes mais un hérétique ayant détourné les arabes du christianisme, dès lors les érudits européens commandent la traduction du Coran, dont le premier sera traduit en 1142 de l’arabe au latin afin de réfuter sa doctrine.

Déterminé à convertir les musulmans et les réfuter les savants chrétiens apprennent l’arabe et se familiarisent avec le Coran, vite ils s’aperçoivent que la conversion des musulmans n’est pas possible car ceux ci sont persuadés de détenir la vérité, ces savants tombent sous l’admiration envers les savants musulmans qui dégagent tant de sincérité, de piété et de savoir.

Dans ses lettres sur la chute de saint jean d’acre, Riccold écrit ses doutes et sa perplexité, serait il exact que les sarrasins ont la faveur de Dieu? Qu’Abraham, Moïse et Jesus étaient des musulmans ?

Durant l’inquisition les juristes dénigraient le Prophète de l’islam pour mieux légitimer la reconquista, le présentant comme un imposteur, un magicien, un faux prophète et sa religion une insulte à Dieu.

Aux 16 et 17e siècles, les conquêtes de l’empire Ottoman en Europe centrale pesèrent sur l’attitude des européens face à l’islam.

Leur regard fut également affecté par les querelles religieuses opposant catholiques et protestants, dans un almanach publié à paris en 1687, on trouve une image de l’imposteur Mahomet en enfer aux côtés du séducteur Calvin.

Tous deux accusés d’enseigner une doctrine hérétique.

Certains protestants s’appuyèrent sur leur connaissance du coran pour réfuter la trinité, pour Michel Servet, Muhammad est un réformateur qui a enseigné l’unicité de Dieu et combattu l’erreur trinitaire.

Pour Martin Luther les musulmans sont le fouet de Dieu par lequel il punit les chrétiens qui ont corrompus l’église, Luther développe cette thèse lorsque Soliman Le magnifique annexe une partie de la Hongrie, il reconnaît à l’empereur le droit de défendre son empire (l’empire germanique alors menacé) mais explique que seul le repentir et la prière pourront « retirer la baguette de la main de Dieu. »

Georges de Hongrie, prisonnier à l’âge de 16 ans et emmené dans l’empire Ottoman, réussit à s’évader 20 ans plus tard et publiera son récit en 1530 « Des Turcs,…», Luther rédigera la préface.

Georges écrit « la religion des turcs est beaucoup plus splendide dans ses cérémonies que la nôtre, même en tenant compte des religieux et de tous les clercs.

La modestie et la simplicité de leur nourriture, de leur vêtement, de leur logis et de tout le reste, ainsi que les jeûnes, les prières et les assemblées fréquentes des fidèles, qui ne s’observent nul part chez nous, ou plutôt qu’il est impossible de persuader notre peuple de les pratiquer.

Lequel de nos moines ne seraient pas mortifiés devant l’abstinence et la discipline miraculeuses et merveilleuses qui règnent chez leurs religieux?

Les nôtres ne sont que des ombres en comparaison et notre peuple est clairement profane à côté du leur.

Même les vrais chrétiens n’ont jamais déployé un tel faste.

Voilà pourquoi tant de gens abandonnent si facilement leur foi dans le Christ pour la foi mahométane et y adhèrent avec une si grande ténacité.

Je crois sincèrement qu’aucun pape, aucun moine, aucun clerc, ni aucun de leurs égaux dans la foi ne serait capable de conserver sa religion s’il devait passer 3 jours chez les turcs. »

Les musulmans étant à la porte de l’Allemagne et leurs mœurs et leurs rites si fascinantes, Luther craint que les allemands n’entrent en masse dans l’islam, ainsi pour éviter qu’ils soient séduits et qu’en plus des territoires germaniques ils conquièrent les cœurs il va se mettre sur la défensive et écrire contre l’islam qui serait un culte diabolique, inventant des mythes grotesques sur le Prophète, comme cette fable qui raconte qu’il aurait eut une colombe qui venait lui souffler des extraits de la bible qu’il récitait ensuite à ses disciples pour faire croire qu’il recevait une révélation, il tente aussi de faire passer le prophète pour une homme obsédé par la chair, incapable de comprendre les choses spirituelles.

Mais quand il le compare aux papes et aux juifs, le prophète est alors présenté comme un saint.

Ainsi tantôt il le diabolise de peur que les allemands embrassent l’islam tantôt il l’idéalise afin de s’en prendre aux catholiques et aux juifs.

Les catholiques s’attaquent aux protestants et en les comparant au Mahométan ils attestent que l’hérésie musulmane est moins grave que l’hérésie protestante, les protestants s’attaquent aux catholiques et en les comparant aux Mahométan ils attestent que la déviation des musulmans est moins grave que celle des catholiques.

Ces polémistes du XVIe siècle, protestants comme catholiques maniaient les comparaisons avec l’islam pour disqualifier leur adversaire.

L’humaniste Suisse Théodore Bibliander fait traduire en 1543 le Coran par Ketton, il écrira ensuite « Mahumet dénonce l’infidélité des juifs et affirme que le Christ a été conçu du saint esprit et est né de Marie, une vierge pure.

Il l’appelle grand prophète de Dieu, parole, âme et esprit de Dieu, qui viendra pour juger le monde.

Mahumet ne semble donc en rien être l’ennemi du Christ ou vouloir abolir sa doctrine mais seulement corriger ce qui a été dépravé.

Ainsi la doctrine de Mahumet tient tête à certaines vielles hérésies condamnées par la parole de Dieu.

En conclusion, il faut rendre gorge aux superstitions païennes et nie absolument la pluralité des dieux, il n’accepte pas non plus l’utilisation de quelque image que ce soit pour la dévotion. »

Michel Servet écrit dans ses réfutations de la trinité « écoute aussi ce que dit Mahomet, car on doit accorder une plus grande confiance à une vérité qu’un ennemi reconnaît qu’à cent mensonges des nôtres.

Il est dit en effet dans le Coran que le Christ a été le plus grand des prophètes, l’esprit de Dieu, né d’une femme vierge.

Les apôtres et les premiers chrétiens, qui étaient les meilleurs hommes ont écrit des choses vraies et n’ont pas soutenu la trinité ou trois personnes dans la divinité mais par la suite ce sont leurs successeurs qui ont fait cette addition.

Les catholiques virent dans les unitariens qui citent le Coran et prospèrent en protectorat ottoman un grand danger car ils pourraient à cause de leur thèse antitrinitaire frayer un chemin à l’islam à l’intérieur des frontières de l’Europe.

Les catholiques craignent une alliance entre protestants et ottomans, les protestants combattus par les catholiques pouvaient trouver refuge et liberté de culte chez les Ottomans qui acceptaient la liberté religieuse quand l’Europe était plongé dans l’intolérance et luttait contre la diversité religieuse.

Face à ce danger et désireux de lutter contre l’administration grandissante dont les turcs et leur tolérance religieuse étaient l’objet, le Coran qui fournissait aux opposants du christianisme des arguments contre leurs dogmes et leurs pratiques fut interdit dès 1564, mais il continuait à être diffusé et apprécié par des intellectuels aussi divers que Guillaume Postel, Joseph Scaliger ou Montesquieu.

En 1580, la menace d’une invasion de l’Angleterre par l’Espagne, poussa la reine Elisabeth 1er à chercher à nouer une alliance avec les Ottomans, elle écrivit au sultan Mourad et mit alors l’accent sur la concorde qui existait entre le protestantisme et l’islam, puisque comme Mourad, elle rejetait l’idolâtrie papiste.

Ce rapprochement permis à des anglais de voyager de l’empire Ottoman, nombreux furent impressionnés par les richesses et la culture locale, ils commencèrent à ramener certains produits locaux en Angleterre, comme le café.

En 1652, le premier café ouvrit à Londres et rapidement la boisson devint populaire, certains voyaient tout ca d’un mauvais œil, un pamphlet anonyme voyait dans le succès du café un funeste signe des temps et prédisait la traduction prochaine du Coran. « Dès le café vendu ici/ sitôt l’Alcoran le suivit. »

Henry Stubbe en 1650 écrivit une biographie du prophète, qui pour la première fois était élogieuse, il le présenta comme un grand homme, il écrit « une opinion vulgaire affirme que Mahomet a propagé par l’épée sa doctrine, rien ne saurait être plus éloigné de la vérité.

Mahomet et ses successeurs ont combattu l’idolâtrie et étendu leur empire mais jamais pour contraindre les chrétiens et les juifs à abandonner leur religion, à la différence des rois juifs de l’ancien testament et de nombreux rois chrétiens.

Il cite ensuite le pacte de Omar avec les chrétiens de Jérusalem qui contraste avec la brutalité des espagnols à l’encontre des indiens d’Amérique.

Il affirme également « le grec vit mieux aujourd’hui sous l’autorité du Turc, qu’il ne vivait sous ses propres empereurs, quand ses princes étaient continuellement victimes de meurtre et son peuple victime de tyrannie. »

Stubbe et les unitariens voyaient l’islam comme une forme épuré du christianisme, dépouillé de ses superstitions païennes et de sa caste sacerdotale corrompue.

L’irlandais Johan Toland, au début du 18e siècle découvrit un manuscrit en italien de « l’évangile de Barnabé » qui lui permet de faire le lien entre le message originel de Jésus et l’islam, sa découverte lui permet de s’appuyer sur une autorité scripturaire pour s’attaquer aux clercs corrompus et exposer le plan original du christianisme, dont les premiers chrétiens étaient des nazaréens suivant la loi de Moïse, qui accueillaient parmi eux des gentils qui devaient seulement se soumettre à la loi de Noé, ils étaient fidèles aux enseignements de Jésus, en qui ils reconnaissaient la prophétie mais aucunement une part dans la divinité, il était sur d’avoir découvert l’évangile reconnu par Muhammad et le Coran.

Toland explique ensuite que ces gentils nouvellement convertis gardèrent leurs cœurs idolâtres et leurs superstitions et détruisirent le vrai « christianisme », ils le dénaturèrent en y introduisant des rites païens, il va même plus loin en désignant Paul comme le principal coupable de cette corruption.

Pour prouver ces attaques sur Paul, il argumente avec des actes des apôtres et des épîtres de Paul qui relatent les conflits opposant Paul à Pierre et Barnabé.

Barnabé lui reproche d’avoir apporté un nouvel évangile aux gentils, un message différent de celui de Jesus.

Il continue en disant que Mahomet était un meilleur chrétien que Paul et si les mahométans demandaient d’établir des mosquées dans notre occident il n’y aurait aucune raison de le leur interdire.

Quant à la raison pour laquelle les juifs de l’époque rejetèrent Jesus, celle ci est animée par l’influence d’une prêtraille sordide qui s’était procuré des richesses et une autorité considérable en pervertissant honteusement la loi de Moïse.

Les prêtres juifs avaient corrompu le judaïsme et Jesus était venu restaurer son message dans sa pureté et sa simplicité.

Le message de Jesus fut à son tour perverti par les gentils qui l’étouffèrent avec leur paganisme et les doctrines absurdes de leurs philosophes, qui ne le défigurèrent par leur hiérarchie pontificale et les cérémonies de leurs prêtres.

Muhammad, prophète des Lumières

Au cours du 17ème siècle, les intellectuels britanniques libéraux érigèrent le Prophète en modèle de réformateur ayant écrasé la « clique sacerdotale » et brisé la cupidité d’une caste qui fondait sa puissance sur l’ignorance et la superstition des masses, il n’avait pas créé une nouvelle religion, mais proposé un monothéisme épuré de ces doctrines absconses et ces rites idolâtres, rétablissant une relation directe entre Dieu et les fidèles.

Au 18ème siècle le prophète devient en France l’antidote aux maux français, utilisé par les ennemis de la richesse et de la puissance de l’église catholique, son monothéisme purifié et anticlérical séduit les libres penseurs.

Henri de Boulainvilliers écrivit une biographie du Prophète, le présentant comme un modèle ayant apporté une religion délivrée de la « clique sacerdotale ».

Il le présente comme un messager inspiré, dont Dieu se servit pour confondre les chrétiens d’orient querelleurs, libérer la région du gouvernement despotique des romains et des perses et porter l’unicité de Dieu depuis l’Inde jusqu’à l’Espagne.

Il présente sa doctrine comme rationnelle, ayant rejeté tout ce qui était irrationnel et indésirable dans le christianisme, comme la trinité, le culte des icônes, le pourvoir des moines et des prêtres superstitieux et cupides.

Pour le prophète le clergé de l’église étaient inventeurs des superstitions, leurs faux docteurs s’efforçaient à plonger les hommes dans l’erreur.

Pour Henri de Boulainvilliers, le prophète est avant tout un ennemi de l’idolâtrie, le champion d’un monothéisme intègre.

Sa biographie est imprimée à Amsterdam en 1731.

En 1744 George Sale traduisit le Coran en anglais, ce fut la première traduction en langue européenne qui ne se présentait pas comme un instrument de réfutation de l’islam.

Dans une longue introduction il présente l’islam et le prophète, il répond aux préjugés répandus.

Il explique que la pratique de la polygamie de Muhammad n’avait rien de scandaleux mais correspondait aux mœurs juives et arabes de l’époque.

A ceux qui font grief à l’islam d’avoir été propagé par l’épée, il répond citant Machiavel « de là vient que tous les prophètes armés ont vaincu et que les désarmés ont été détruits. Moïse, Cyrus, Thésée et Romulus n’auraient pu faire observer leurs lois, s’ils avaient été désarmés. »

Il présente Moïse et Muhammad comme des exemples d’hommes d’état ayant imposé un nouvel ordre juridique et politique, et quant à ceux qui voient en la propagation de l’Islam par l’épée une preuve de l’origine humaine de celle ci alors qu’il voit le christianisme comme une religion divine, il rappelle que le christianisme ne s’est propagé dans le monde qu’après avoir été amené pas les empereurs qui soumirent les populations et persécutèrent ceux qui refusèrent de l’adopter comme religion.

Pour Sale, Muhammad et un réformateur et un briseur d’idoles, tant celles de la Mecque que ces nouvelles idoles érigées par de faux chrétiens.

Sa traduction fit considérablement évoluer la perception de l’islam dans les milieux intellectuels, Thomas Jefferson l’acheta, Voltaire en fut influencé.

Voltaire commença par présenter Muhammad comme l’incarnation du fanatisme dans sa tragédie « le fanatisme » mais par la suite il vit en lui une sorte de modèle à suivre, un grand qui influença l’histoire et reforma la religion.

Si Voltaire utilise le Prophète et le présente comme un fanatique, ce n’est pas pour viser l’islam, sa véritable cible est l’église catholique comme il l’explique lui même dans une lettre en 1742 « j’ai voulu faire voir par cet ouvrage à quels horribles excès le fanatisme peut entraîner les âmes faibles conduites par un fourbe.

Ma pièce représente sous le nom de Mahomet, le prieur des jacobins, mettant le poignard dans la main de Jacques Clément (assassin du roi Henri III)w

Ne pouvant attaquer l’église de front il utilisa l’islam pour dénoncer le fanatisme chrétien et ses dérives.

Dans son essai sur les mœurs au chapitre 6, il écrit une biographie du prophète où il présente tel un héros et un grand homme:

« Il prétendait rétablir le culte simple d’Abraham dont il se disait descendu et rappeler les hommes à l’unicité de Dieu, dogme qu’il s’imaginait être défiguré dans toutes les religions. »

« Conquérant, législateur, monarque et pontife, il joua le plus grand rôle qu’on puisse jouer sur la terre aux yeux du commun des hommes. »

Ensuite parlant des grands hommes de l’histoire, il conclue « mais Mahomet fit des choses infiniment plus grandes. »

Il écrit également dans son chapitre concernant le moyen âge que les sultans Saladin ou Mélédin représentent le summum du raffinement, de l’éducation et de la tolérance, face aux croisés qui sont des brutes fanatisées, qui ont transformé la sainte et douce religion de Jesus qui vivait dans l’humilité, la paix et prêchait le pardon, en la plus intolérante et la plus barbare des religions.

Dans son livre « catéchisme de l’honnête homme » Voltaire s’en prend à Paul, pour se faire il relate un dialogue entre un « honnête » homme et un moine grec chrétien, l’honnête homme explique au moine qu’il n’aime pas le christianisme car en plus de sa doctrine et ses rites absurdes, les différentes sectes chrétiennes ne cessent d’être en querelle au point ou en Europe les chrétiens se persécutent et s’assassinent mutuellement.

Le moine réplique en disant qu’il hait la persécution et que grâce à Dieu il vit gré les turcs en paix car ceux ci ne persécutent personne.

L’honnête homme de conclure « ah! Puissent tous les peuples d’Europe suivre l’exemple des turcs. »

Le moine continue en demandant à l’honnête homme, si le christianisme est si absurde comment se fait il que des milliers d’hommes si soient convertis?

L’honnête homme répliqua « car il fut prêché à un peuple ignorant et illettré, est ce par la lecture qu’on persuade 10 millions de paysans que trois font Un?!

Voltaire conclu alors que toutes les sectes religieuses se sont construites avec des fables prêchées à des ignorants excepté celle de Mahomet, la plus brillante de toutes, qui seule entre tant d’établissements humains sembla être en naissant sous la protection de Dieu.

Seule la religion musulmane après douze cents ans resta telle qu’elle fut sous son fondateur, on n’y a rien changé.

Les lois substituent dans toute leur intégrité, le coran est autant respecté en perse, qu’en Turquie, en Afrique que dans les indes, on l’observe partout à la lettre, alors que le christianisme au contraire est différent en tout de la religion de Jesus.

A travers ces exemples, on voit comment au siècle des lumières, Muhammad et l’islam font l’objet d’un intérêt et de débats intenses.

L’islam devient un outil intellectuel qui aide ces penseurs à imaginer d’autres modes d’organisation des sociétés européennes.

Muhammad et sa religion sont utilisés contre l’église et son pouvoir tyrannique.

Les philosophes des lumières déistes voient dans le Coran, un glorieux témoignage de l’unicité de Dieu, et dans l’islam une religion unitariste conforme à la doctrine déiste.

Législateur, homme d’état, héros: le prophète des romantiques

Victor Hugo dans son poème sur Napoléon le compare à un « Mahomet d’occident. », un Napoléon des temps modernes.

Goethe en apprenant la victoire de Napoléon à Ulm en 1805, salue en l’empereur un « Mahomet universel. »

Napoléon voit en Muhammad un brillant général qui a su galvaniser son peuple et lui faire accomplir de grandes choses.

Goethe est fasciné par l’éloquence de Muhammad.

Après les penseurs des lumières, les auteurs du mouvement romantique vont se fasciner pour Muhammad.

Napoléon en Égypte éloge l’islam, aime le prophète et honore le coran comme en témoigne ses discours, on pourrait facilement voir dans cela un calcul politique mais comme le dit l’historien Juan Cole, une des grandes faiblesses de Napoléon réside dans sa propension a croire en sa propre propagande.

À saint Hélène, lors de sa rédaction de ses mémoires, il dresse un portait du prophète, le présentent comme un modèle, un grand homme, il loue la loi islamique et réfute les préjugés de ces contemporains, par exemple au sujet de la polygamie il dit « celle ci a toujours été permise en orient, et en réalité il a restreint cette pratique en la limitant à quatre épouses par hommes. Ensuite, la polygamie est un instrument efficace pour lutter contre le racisme et promouvoir le mélange des couleurs. Si un homme a plusieurs femmes blanches et noires, ses fils « le noir et le blanc » étant frères, sont assis à la même table. Aussi en orient, aucune couleur n’affecte la supériorité sur l’autre. »

Pour Goethe, Muhammad affirme être un prophète et non un poète ainsi le Coran doit être considéré comme une loi divine et non comme un livre de divertissement.

Carlyle balaie quant à lui les légendes ridicules issues du moyen âge qui présentent Muhammad comme un imposteur.

Comment un homme faux pourrait il fonder une religion?!

Un grand homme ne saurait qu’être sincère.

Muhammad n’a pas d’ambition personnelle, son message est simple seul Dieu existe et l’homme doit se soumettre à Lui.

Lamartine a son tour rédigera un biographe de Muhammad, qu’il refuse de voir comme un imposteur mais qui est plutôt un grand homme qui a entrepris une mission sublime.

Aucune héros moderne ne peut être comparé à lui dit il.

Il n’était pas un imposteur mais le plus grand des hommes.

L’image de Muhammad, grand législateur demeure jusque dans les États Unis du 20e siècle, en 1905, le sculpteur Charles Albert Lopez créa une grande statue de marbre à son effigie pour la cour d’appel de New York, où il rejoignit d’autres législateurs.

Pour les auteurs du mouvement romantisme, pour Napoléon et Goethe, le prophète de l’islam est le modèle à imiter.

Au 19e siècle, l’islam et Muhammad deviennent importants pour de nombreux penseurs juifs car ils leur fournissent des arguments à opposer aux antisémites qui les accusent d’être incapables de s’intégrer à la culture européenne.

Les juifs peuvent alors mettre en avant la tolérance de l’islam, leur capacité à vivre parfaitement intégré en terre d’Islam et leur contribution au développement.

Les auteurs juifs écrivent de nombreuses recherches sur l’islam et contribuent à développer la culture islamique afin de démontrer que l’antisémitisme vient du christianisme, religion intolérante.

Al andalous, focalise alors toutes les curiosités, l’Espagne musulmane contraste entre la tolérance de l’islam et le sectarisme du christianisme.

Parlant de la reconquista et des exemplaires du Coran brûlés, les auteurs juifs mélancoliques de l’époque andalouse diront « ce n’était qu’un prélude; là où on brûle des livres, on finit par brûler des hommes. »