La pensée moderne démontre son incapacité à donner une définition cohérente de la condition humaine. Dans aucune autre civilisation, on n’avait ignoré d’une manière aussi totale et systématique pourquoi nous sommes nés, pourquoi nous vivons et pourquoi nous devons mourir .
Tel est le paradoxe de cette civilisation qui, au départ, se voulait « humaniste », c’est à dire qui faisait de l’homme le principe et la fin de toutes choses: la notion même d’homme s’est désagrégée.
L’évolutionnisme en avait fait un singe perfectionné, puis la philosophie de l’absurde est venue lui enlever le peu de cohérence qui lui restait.
L’être humain est désormais semblable à un pantin secoué et désarticulé par une mécanique qu’il a mise en train, mais dont il n’arrive plus à maîtriser l’agitation désordonnée et le mouvement accéléré.
Proclamée absurde, la vie sur terre a effectivement perdu son sens.
Elle offre à l’homme une multitude de possibilités et d’avantages matériels auxquels les générations précédentes n’auraient pas osé rêver mais, comme on ignore ce qu’est en réalité un homme et donc quelles sont ses aspirations profondes, toutes ces merveilles ne l’empêchent pas de sombrer dans le désespoir.
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Cette civilisation qui s’était voulue « humaniste » aboutit ainsi à un système qui, en même temps, méprise l’homme et le trompe pour, finalement le détruire.
Elle le méprise parce qu’elle le réduit aux fonctions matérielles et quantitatives de simple producteur et consommateur; elle le trompe parce ce qu’elle lui fait croire que, grâce au progrès, au développement de la science, à une meilleure organisation sociale et à la libération des derniers « préjugés » et contraintes hérités du passé, il parviendra au bonheur et vaincra la souffrance, laquelle est pourtant inhérente à la condition humaine, enfin elle le détruit en le corrompant, en le désintégrant et en privant sa vie de sens et d’espoir.
Toutes les idéologies modernes finissent pas perdre leur crédit, parce qu’elles sont impuissantes à répondre à nos questions les plus importantes sur le sens de la vie et sur les raisons de notre présence sur terre.
Ce qui finit inévitablement par les rendre vaines et inefficaces, c’est d’ignorer que l’homme, en fin de compte, se définit par l’Absolu, et qu’au fond de lui même consciemment ou inconsciemment, il ne cherche pas autre chose que cela.
La civilisation moderne est inacceptable à l’homme parce que lui offrant tout, sauf l’essentiel, elle lui paraît dénuée de sens.
Jamais il n’a disposé d’aussi nombreuses et prodigieuses possibilités de se distraire et jamais il ne s’est pareillement ennuyé.
A cet ennui, les réalisations extraordinaires de la science et de la technique, qu’il s’agisse de la télévision, des conquêtes spatiales ou des progrès de la médecine, n’apportent aucun véritable remède.
L’homme, dans cette multiplicité de gadgets, se distrait, se disperse ou se dissipe, mais il ne trouve pas la véritable paix de l’âme venant de la certitude d’accomplir ici-bas la destinée supérieure pour laquelle il a été créé.
L’islam attire les regards et déconcerte, a l’heure où toutes les religions sont en recul, l’islam lui est en progrès.
Signifiant soumission à Dieu, l’islam exprime une notion universelle que l’on retrouve d’une certaine manière dans les autres traditions sacrées.
L’islam peut être désigné comme la religion de toujours, parce que, se fondant sur la doctrine de l’unicité, qui est éternelle, il n’a rien apporté de fondamentalement nouveau, mais est venu rétablir la religion primordiale et réaffirmer la vérité intemporelle.
Rétablissement et réaffirmation, l’islam est aussi synthèse de la Révélation universelle.
Il est là récapitulation de tous les précédents messages adressés à l’humanité de part le Créateur.
C’est ce qui lui a donné cet étonnant pouvoir d’intégrer dans une même communauté de croyants des populations d’origine ethnique extrêmement diverse tout en respectant leur personnalité.
Étant d’essence intemporelle, l’islam est à la fois ancien et moderne.
Il est ancien puisqu’il transmet une vérité déjà connue de l’humanité des premiers âges, mais il est moderne par les moyens qu’il offre à celle des derniers âges de vivre cette vérité.
Cette « modernité » se manifeste d’abord dans la simplicité de l’énonciation de ses principes doctrinaux, dont le premier et le plus fondamental s’exprime dans la profession de foi.
Cette attestation de l’unicité divine proclamée à l’humanité par la mission du prophète Muhammad comporte une évidence accessible à l’homme moderne, qui pour être musulman, n’a pas besoin de souscrire à des « mystères impénétrables » à sa raison.
La reconnaissance de la réalité absolue de Dieu et la libre volonté de s’y soumettre suffisent à restituer tout son sens à la vie humaine dévalorisée par la mécréance et la confusion moderne.
Mais elles n’exigent pas, en contrepartie, de prix exorbitant.
Si l’énoncé de la shahada, est d’une simplicité et d’une évidence remarquable, les autres éléments de la foi et de la doctrine islamique n’exigent pas non plus d’efforts intellectuels ardus pour être compris et acceptés.
Quant à la pratique de la religion, elle peut certes paraître astreignante à certaines individualités réfractaires à toute discipline mais en fait, elle est suffisamment aisée et souple pour convenir à toutes les circonstances de la vie, même à notre époque, et les devoirs qu’elle impose ne dépassent les forces d’aucun être humain doué d’un peu de bonne volonté.
Au contraire, leur accomplissement est d’une efficacité amplement démontrée pour maintenir un sain équilibre de l’âme et du corps.
Il est évident toutefois que cette pratique religieuse, si aisée soit-elle, paraîtra toujours trop contraignante à beaucoup de nos contemporains, car le rejet de toute discipline, encouragé par les théories psychanalytiques « anti-autoritaires » et autres idées « philosophiques » en vogue, est précisément une caractéristique de la mentalité moderne.
Quant à la prosternation accomplie pendant la prière rituelle pour exprimer la volonté de l’orant de se soumettre entièrement à la Seigneurie divine, elle est aussi contraire que possible au mouvement général de sécularisation et de « libération » qui selon un célèbre slogan, ne reconnaît à l’homme « ni dieu, ni maître. »
La pratique de l’islam est aussi souvenir (dhikr) de Dieu qui, dans le Coran dit « Souvenez-vous de Moi, et Je me souviendrai de vous. »
Cela évidemment, est en contraste direct avec la vie ordinaire d’aujourd’hui qui, s’égarant dans une multiplicité insensée de distractions, de soucis et d’angoisses, est oubli systématique et généralisé du Créateur.
Ce souvenir, qui imprègne la vie musulmane, maintient l’homme en communication avec le centre de toutes choses, tandis que l’oubli fait de lui un être périphérique assujetti à leur aspect quantitatif extérieur et à l’accélération cosmique si clairement perceptible en ce dernier quart du XXe siècle.
L’homme typiquement moderne et sécularisé est l’exact opposé du Muslim, le musulman qui s’en remet à la volonté divine.
Incapable de se prosterner et d’adorer, submergé par le flot de possibilités d’une civilisation quantitative qui lui offre tout sauf l’essentiel, négligeant la seule chose qui donne à la vie son plein sens, il vit dans un état d’insatisfaction auquel il n’arrive pas à donner de remèdes efficaces malgré la quantité et la variété inouïes des ressources à sa disposition.
Cette impuissance a pour effet d’accentuer son état de rébellion contre les conditions existantes et surtout contre les derniers vestiges de l’ordre normal procédant des traditions religieuses, donc de Dieu.
C’est alors qu’il devient « l’homme révolté » si caractéristique de notre siècle.
La contestation peut se justifier dans la mesure où elle est refus d’une civilisation quantitative réduisant l’homme aux fonctions de producteur et de consommateur, et donc incapable de donner une satisfaction quelconque à ses aspirations les plus profondes et les plus centrales.
Mais, dans la grande majorité des cas, le mouvement contestataire veut précisément exploiter des réactions légitimes, notamment celles de la jeunesse, à des fins de subversion et de destruction.
Et il finit par susciter un être humain n’ayant plus pour mobile de ses actions que les instincts de sa nature charnelle et végétative.
L’homme tombé dans un tel nihilisme est aussi éloigné que possible de l’islam.
Comme il a oublié Dieu, Dieu aussi l’a oublié.
La condition humaine, pour lui, n’a plus de véritable sens.
Il n’est plus homme que de façon accidentelle et fragmentaire.
D’une certains manière, celui qui est parvenu à ce point extrême du processus moderne s’est placé plus bas que les animaux eux-mêmes, lesquels sont liés à la norme de leur espèce et ne peuvent en franchir les limites.
C’est pourquoi ils gardent toujours une certaine innocence, alors que l’homme, lui, a la possibilité de s’élever au-dessus de tous les êtres crées en même temps que celle de se perdre et de tomber ainsi au dernier degré de l’abaissement.
A l’exact opposé de l’état de révolte et de contestation, l’homme musulman a conscience d’avoir été créé par Dieu, qui lui a insufflé son esprit et l’a chargé d’être son témoin et son représentant sur terre.
Ainsi, de toutes les créatures, il est la plus centrale, celle qui manifeste le plus complètement les attributs divins.
Le dépôt que Dieu a confié à l’homme, a ceci de redoutable qu’il confère à l’homme la liberté de choix entre le bien et le mal, entre la vérité et l’erreur, entre la soumission et la révolte, entre le paradis et l’enfer.
L’islam, donne à l’homme les moyens d’utiliser sa liberté pour faire le choix conduisant, par la soumission, au bien, à la vérité, à Dieu.
L’islam, réconcilie l’homme avec lui-même et avec la création, apportant ainsi le remède le plus efficace qui soit au mal de notre temps.
L’islam, n’interdit nullement aux hommes de jouir pleinement des bienfaits que Dieu leur accorde.
Il place l’homme sur la voie de cet au delà préférable à tout ce que l’on peut imaginer ici-bas, mais il lui offre les moyens de tirer le meilleur parti de la « vie présente » en l’organisant harmonieusement sur le plan individuel et collectif.
Car la volonté de Dieu, à laquelle il est soumission, est que les hommes soient heureux.
Un fait significatif à cet égard est qu’en arabe islam « soumission » est étroitement apparenté à silm ou salam « paix ».
En effet la soumission à Dieu procure la paix, condition du bonheur.
Peut-être objectera-t-on que les musulmans d’aujourd’hui ne donnent pas précisément des images de bonheur et de paix.
On ne saurait nier cependant qu’au regard de la crise vécue par l’occident industrialisé, le monde de l’islam souffre d’un mal différent à bien des égards; ses fondements moraux et spirituels ne sont pas contestés de la même manière et, dans sa grande majorité la population des pays musulmans garde sa foi traditionnelle.
La crise dont ces pays sont atteints est d’ordre beaucoup plus matériel et certains, en Asie surtout, figurent parmi les plus pauvres de la planète.
Cette situation imputable en partie aux anciennes puissances coloniales, est assurément cause de grandes souffrances mais, de façon générale, elle ne porte pas atteinte à la dignité humaine, même chez les plus défavorisés.
Car l’islam confère à l’homme, une noblesse que la pauvreté n’efface pas et même parfois rehausse.
C’est lui, indéniablement, qui, jusque dans le plus grand dénuement, préserve le sens de la vie et lui garde la saveur qui la rend encore digne d’être vécue.
Ainsi, que ce soit dans le monde occidental prospère, mais démoralisé, ou dans la pauvreté matérielle des peuples de ce qu’on appelle le « tiers monde », l’islam constitue la réponse la plus claire, la plus fondamentale et la plus catégorique au défi moderne.
A ceux, individus et sociétés, qui l’acceptent et le mettent en pratique, il offre les remèdes les plus salutaires et les plus efficaces contre le mal de notre temps.