L’idéal musulman selon Al Ghazali

L’idéal musulman chez l’imam Al Ghazali

Il s’agit pour l’auteur de préparer l’individu à une discipline strictement établie qui doit être synonyme de réussite pour accéder à l’au delà.

Ainsi c’est le dogme tout entier qui est disséqué point par point afin que le croyant soit fin prêt à vivre un islam contemplatif.

C’est au savoir (´ilm) que revient la prééminence dans l’éducation du croyant, pour l’imam, le savoir n’est que le prélude à l’obéissance et à l’adoration de Dieu.

Pour l’imam les œuvres sont vitales pour la foi, il dit « la foi, c’est en même temps le verbe, la sincérité et les œuvres. »

Satisfaire aux exigences de l’islam permet d’atteindre la catégorie des élites en opposition au commun des gens, l’individu ne cesse ensuite de gravir les étapes de la religion jusqu’à atteindre le rang des « initiés ».

Si l’auteur a traité de cela c’est en réaction à la corruption des cœurs qui a son époque avait touché toutes les élites dirigeantes, des souverains aux théologiens.

La nécessité de revenir à l’adab (l’idéal musulman) est vitale pour la pérennité de la société musulmane.

Cet idéal a pour modèle l’attitude des propriétaires qui représentent l’expression la plus accomplie des prescriptions divines.

II est nécessaire dans son cheminement spirituel de s’affairer à purifier son cœur, cet organe à la fois visuel et spirituel, qui est le seul capable de percevoir les secrets de l’au delà, seul en mesure de lever le voile de l’ignorance qui le sépare de son Créateur.

Le traité du savoir

Le savoir source de l’adab

Le savoir est d’une part empirique, il résulte d’une pratique assidue des prescriptions religieuses qui doivent inciter l’homme à refouler ses vils penchants et redonner aux vertus un caractère habituel et continu; il est d’autre part un savoir découlant des enseignements du Coran.

Le savoir est le vecteur principal de la connaissance de Dieu.

Il amène à prendre conscience de sa confession religieuse et conduit à une connaissance approfondie de Dieu.

C’est ce savoir qui va concourir à l’apparition de la certitude dans le cœur, à ce moment précis l’adab peut s’épanouir et s’imposer à l’homme.

Ghazali écrit « parmi les enseignements de la loi se trouve la certitude que Dieu le Très Haut t’observe à tout moment…et le fruit de cette certitude c’est que l’homme soit, dans son isolement, maître de son comportement, à l’instar de celui qui se trouve en présence d’un souverain qui porte le regard sur lui. Il ne cessera alors d’avoir la tête baissée, d’être éduqué dans ses gestes, de contrôler le moindre de ses mouvements qui iraient à l’encontre de l’adab (l’idéal islamique). »

L’adab devient ici le « tuteur » des actes.

Approfondissement du dogme islamique

Après avoir établi le ‘ilm comme pilier de tout agissement, c’est le traité sur « les convictions religieuses » ou « Aquida » qui va réellement débuter l’élaboration de l’abad.

La source constituant l’idéal musulman est le dogme, celui ci doit être enseigné dès le plus jeune âge.

Ghazali dit « sache que ce que nous venons d’évoquer concernant l’exposition de la Aquida doit absolument être enseigné à l’enfant dès son plus jeune âge afin qu’il s’en imprègne et que se découvre à lui, au fur et à mesure de sa croissance, sa signification. »

C’est selon le Coran, code de conduite du Prophète, que doit agir tout musulman soucieux de sauver son âme.

De l’importance de la pureté rituelle et de la pureté spirituelle dans la constitution de l’adab

La pureté du corps n’est en réalité que le prélude à la pureté du cœur.

L’un ne peut aller sans l’autre, une harmonie doit s’installer entre l’apparent et le caché.

Ghazali dit « la purification du vêtement qui est l’écorce extérieure et celle du corps qui est l’écorce prochaine, sont voulues par la purification du cœur qui est la quintessence intérieure. La chose la plus importante dans la purification est de purifier le cœur des impuretés des traits de caractère blâmables…mais il n’est pas étrange que la purification extérieure ait de l’influence sur le fait que la lumière se lève dans le cœur. »

Ghazali dit « que l’individu réalise la purification du cœur par la pénitence (tawbah) » il mentionne la pénitence comme point de départ de ce qu’il juge être la véritable purification, elle est la première étape pour celui qui chemine dans la voie de Dieu.

Pour Ghazali les muqallidun, ceux qui sont dans l’imitation aveugle ne sont pas autonomes dans leur pratique, ni conscients de leur culte, tandis que les muwahhidun, ceux qui confessent en toute conscience l’unicité divine dans leurs moindres gestes, pèsent et mesurent leurs agissements, il n’est rien dans leur comportement qui ne soit destiné à Dieu.

Ghazali écrit « l’homme doué de raison n’oublie jamais de se rappeler l’au delà car il constitue son devenir et sa demeure. Ainsi la vue de l’eau, du feu…est elle toujours l’occasion pour lui d’en tirer une leçon ou un avertissement; car l’individu ne perçoit les choses qu’en fonction de ce qui le préoccupe. »

L’individu doit en permanence reconsidérer ses agissements en fonction de l’au delà.

Traité sur les secrets de la prière

La prière canonique est qualifiée par Ghazali de pilier de la religion, elle est à la fois interne et externe.

Externe par ses mouvements minutieusement codifiés, interne dans la mesure des autres éléments, tels la crainte pieuse ou la sincérité, qui vont mener l’individu, vers une prière conforme à l’idéal musulman, à savoir par la réalisation d’un réel détachement du monde d’ici bas pour ne se concentrer que sur le monde de l’au delà.

La prière en groupe, qui compte parmi les prescriptions de l’islam, ou les croyants prennent place, formant des rangs qui symboliquement mettent sur le même pied d’égalité, riches et pauvres.

Pour Ghazali, la prière dans ce qu’elle renferme de sens profond, est en fait le véritable révélateur d’une « inégalité » qui tient à une approche élitiste sans pour autant qu’il y ait une quelconque injustice dans le système ainsi établi.

D’ailleurs, que le Paradis et l’enfer comptent chacun sept degrés est la preuve du caractère inévitable d’une hiérarchisation élitiste où les plus méritants se vouent attribuer la sublime récompense.

C’est ainsi que se confirme une fois de plus l’écart existant entre les muqalidun et les muwahhidun, entre les insouciants et les conscients.

La prière est l’outil par excellence au service du cœur, d’un cœur supérieur à la raison et seul organe à la fois corporel et spirituel susceptible de recevoir la connaissance divine.

Des secrets de l’aumône légale ou comment purifier le cœur de l’avarice

La zakat comporte un aspect visible et un aspect secret, sa fonction religieuse consiste à ce que la thésaurisation ne creuse plus encore l’écart entre riches et pauvres, elle est également destinée à purifier certains caractères blâmables en particulier l’avarice.

La zakat est un révélateur permettant de « mesurer » la foi du croyant.

C’est en effet par elle que se révèle celui qui aime Dieu et qui est ainsi capable de se détacher sans appel de ses biens contrairement au commun dont l’avarice constitue un obstacle majeur quant à l’acquittement de leur obligation.

Ghazali dit « purifier le cœur de l’avarice s’impose car elle fait partie des traits de caractère qui conduisent à la perdition. »

L’idéal musulman n’a pas pour but ultime l’éducation de l’âme seulement mais aussi la protection et l’assainissement du cœur.

Le traité sur les secrets du jeûne

Le jeune est exclusivement réservé à Dieu, son objectif, hormis la privation de nourriture et de rapports sexuels est de briser la concupiscence de l’homme, le jeûne est l’arme fatale qui permet de combattre le diable.

Ghazali écrit « le degré de l’homme est supérieur à celui des animaux parce qu’il a la capacité de briser sa concupiscence grâce à la lumière de sa raison. Il est cependant en deçà du degré des anges, dominé qu’il est par ses passions et du fait qu’il est éprouvé par la lutte qu’il mène contre elles. Ainsi, chaque fois qu’il s’adonnera tout entier à ses passions il s’abaissera au plus bas degré et rejoindra de la sorte la plus vile des créature. »

Ghazali écrit « sache que le jeûne comporte 3 degrés: le jeûne du commun des mortels, le jeûne des distingués et le jeûne des initiés. Le jeûne du commun des mortels ne consiste qu’en la privation des plaisirs du ventre et du sexe. Le jeûne des distingués, consiste à éviter à l’ouïe, à la vue, à la langue, aux mains et aux pieds, ainsi qu’au reste des membres les péchés. Le jeûne des initiés, enfin, c’est le jeûne du cœur en évitant la vile digestion ainsi que les pensées mondaines. C’est aussi évacuer complètement tout ce qui n’est pas Dieu. »

Quant au pèlerinage, Ghazali aborde ce traité dans un ensemble classique, il met l’accent sur la nécessité d’un dévouement total à Dieu.

C’est autour du cœur que tournent en procession les dispositions morales qui vont amener à purifier un cœur dont la mission consistera à lever le voile de l’invisible afin de conduire l’homme aux délices de l’intimité.

Cet idéal musulman est conçu pour « traquer » la moindre digression de l’âme et plus qu’un simple rappel à l’ordre, il est le code de conduite suprême à adopter pour espérer vivre la félicité éternelle.