L’Algérie coloniale ou la confrontation inaugurale de la laïcité avec l’islam
La promulgation de 09/12/1905 de la loi de séparation des églises et de l’état fut présenté comme le couronnement d’une laïcisation amorcée aux débuts de la IIIe République.
Or, non seulement la loi a subi des modifications destinées notamment à rallier l’église catholique mais elle a de surcroît exclu des territoires de son champ d’application.
L’Algérie coloniale présente une triple singularité: elle fut le premier territoire de l’empire colonial à se voir appliquer la loi sur la séparation des églises et de l’état; le seul majoritairement peuplé de musulmans visé par ce dispositif législatif et par conséquent celui ou l’écart entre les principes laïcs et le droit des cultes mis en œuvre fut le plus grand.
A la suite de la conquête de l’Algérie, le général de Bourmont avait signé avec le Dey d’Alger une convention s’engageant à respecter le libre exercice de l’islam, mais en incorporant au domaine public des fondations pieuses (habous) qui servaient à financer les activités cultuelles, le colon se trouva engagé dans l’administration du culte musulman.
De plus la nécessité de contrôler le principal mode d’expression collective des colonisés accéléra la réforme des conditions d’exercice du culte musulman, afin de se prémunir d’une résistance collective sous la bannière de l’islam.
Entre 1830 et 1851 des décisions administratives furent prises quant à l’exercice du culte musulman, les biens affectés aux mosquées furent frappés de séquestre, le personne religieux (muftis, imams, muezzins) devinrent personnel de l’état colonial dans la catégorie « fonctionnaires du culte », afin de contrôler la formation des imams trois Madrassah furent créés en 1850.
Outre le contrôle exercé sur les lieux de culte, leur financement et le personnel religieux, toutes les manifestations collectives cultuels furent encadrées (pèlerinage, fêtes religieuses…)
En 1881 les services coloniaux restreignirent l’expression religieuse extérieure aux lieux de culte afin de consolider l’existence d’un islam officiel.
Alors qu’elles étaient à l’origine de révoltes jusqu’à la fin du XIXe siècle, les activités musulmanes limitées et soumises à autorisations ne purent plus jouer ce rôle fédérateur.
Ainsi la veille de l’adoption de la loi de 1905, un islam légitimiste avait pu être créé de toutes pièces par l’état colonial.
La loi de 1905 votée s’appliqua sur l’ensemble des territoires français a l’exception de l’Algérie, l’article 43 mentionnant que des règlements d’administrations publiques détermineront les conditions dans lesquelles la loi sera appliquant en Algérie.
Ces règlements d’administrations furent alors décidés entre l’administration algérienne, le ministère de l’intérieur et le conseil d’état de façon à préserver les intérêts français.
Le statut particulier de l’islam était en effet le principal obstacle à une pleine application de la loi en Algérie.
L’incapacité de l’islam à séparer le politique du religieux fut invoqué pour justifier ces adaptations, mais c’est surtout l’intérêt de conserver « le clergé officiel » et les mosquées dans le giron de l’administration qui fut déterminant.
Edmond Doutté n’hésita pas à présenter ces règlements comme l’une des œuvres les plus éminentes de la France en Algérie, il déclara « dans aucun état musulman, il n’y a de clergé aussi régulièrement constitué que le nôtre, entièrement dans notre main. »
Par ailleurs si l’influence de l’église catholique se trouvait réduite en métropole à la suite de l’adoption de la loi de séparation, il n’était pas dans l’intérêt du gouvernement qu’il en soit ainsi en Algérie, privée de financement public, l’église d’Algérie aurait vu son influence se réduire.
Quand le pouvoir colonial mis en place cet« islam algérien » l’association des oulémas algériens déclara « l’islam authentique appartient a Dieu l’islam algerien a césar »
Histoire de l’Algérie coloniale édition la découverte