L’attitude des colons à l’égard de Bachir El Ibrahimi

Le savant Bachir El Ibrahimi interrogé sur son action répondit: « je suis gêné lorsque j’évoque mon action au sein de l’Association.

Je laisserai aux faits avérés le soin d’en témoigner. Une réalité qui sera connue par tous ceux qui s’affaireront à la chercher. Mais je reste particulièrement honoré par la confiance placée en ma personne par mes frères depuis la naissance de cette association dont j’étais l’adjoint du président,l’Imam Ben Badis, le Père de la Renaissance de l’Algérie dans tous ses aspects. »

II n’est pas de bon ton que le moudjahid rappelle aux gens ce qu’il a enduré de sévices pour la cause de Dieu mais je suis contraint d’en parler parce que ces épisodes font partie de ma vie. J’évoquerai – décemment- aux lecteurs d’«El Moussawar » quelques bribes.

Je ne parlerai pas des poursuites judiciaires, des pressions et des intimidations dont je fus victime. Il s’agit là, en effet, d’un comportement normal du colonialisme avec tous ceux qui se rebellent contre sa volonté, mais je me contenterai de relater les faits les plus marquants.

Le gouvernement français a émis un mandat d’arrêt contre moi au début de la Deuxième Guerre mondiale au motif que je constituais une menace pour la sécurité publique, et, c’est ainsi, que j’ai été déporté, manu militari, le 10 avril 1940 dans un village éloigné, au Sud de l’Oranie.

La déportation a duré près de trois ans.

A ma libération, j’ai été soumis au régime de la résidence surveillée administrative jusqu’à la fin de la guerre. Le du 08 mai 1945, jour marquant la fin du conflit, les colons provoquèrent des massacres. Le 27 du même mois, mon domicile fut assiégé par des militaires qui ont procédé à sa fouille avant de me conduire à la prison militaire d’Alger en pleine nuit, d’une façon brutale.

Puis je fus emmené par d’autres militaires à une prison distante de huit km. Je suis resté près de soixante-dix jours dans une geôle souterraine, isolée et exiguë d’où je ne pouvais ni voir la lumière du jour ni respirer l’oxygène et que je ne quittais qu’un quart d’heure en vingt-quatre heures, sous une surveillance draconienne.

Dès que mon état de santé empira, ils me transportèrent vers une autre cellule isolée aussi mais dotée de quelques moyens.

Lorsque j’ai achevé les cent jours, ils m’ont conduit de nuit, ligoté par avion, vers la prison militaire de Constantine, théâtre des effroyables événements sanglants perpétrés par les hordes des colons contre les paisibles populations autochtones.

Ce transfert était un prélude à mon jugement devant un tribunal militaire sur des événements que le colonialisme avait lui-même provoqués et perpétrés.

Dès que ma maladie s’aggravait, ils me placèrent à l’infirmerie militaire sous une forte surveillance militaire puis dans une chambre isolée.

J’ai passé à la prison militaire et à son infirmerie onze mois au total.

Des dizaines de milliers de membres et de partisans de l’Association ainsi que les militants du Mouvement national ont été incarcérés dans des camps et ont purgé la même peine. Le colonialisme a pris la décision de libérer tous les incarcérés au nom de l’amnistie générale au lieu de la normalisation et d’un retour aux principes du droit.

Après notre libération de prison et des camps, et après l’ouverture des écoles qu’ils avaient fermées sous de fallacieux   prétextes   qu’ils   avaient   eux-mêmes manigancés, j’ai repris mon travail, restaurant les anciennes écoles et construisant de nouvelles jusqu’à ce que le nombre évoqué précédemment fut atteint et j’ai réussi à ressusciter la langue arabe avec un succès éclatant.

QUI SUIS-JE ? /Cheikh MOHAMED EL BACHIR EL IBRAHIMI