Le croissant et le compas

En 1766 l’abbé Delaporte dans ces récits de voyage raconte que dans le bulle de Smyrne au Levant les édifices religieux de toutes les confessions sont présents seul les francs-maçons ne sont pas tolérés car le peuple est convaincu qu’ils sont des magiciens infâmes.

Les savants ne cessent de les traiter de sorciers et de mettre des pressions aux ambassades anglaise et française afin que les francs-maçons soient expulsés .

En 1748 Mahmud 2 conduit une opération de police contre les loges d’Istanbul.

Cet événement sonne le glas de la franc-maçonnerie dans l’empire Ottoman qui disparaîtra pendant une dizaine d’année.

A partir de 1762 les loges apparaissent dans l’empire Ottoman elles se font accepter grâce à leurs actions de bienfaisance à l’égard des chrétiens et des musulmans.

En 1794 les loges apparaissent en Égypte avant l’arrivée de Napoléon, les prêtres catholiques locaux demandent au Vatican d’excommunier ces adeptes mais l’arrivée des armées Napoléoniennes permettra à la franc-maçonnerie française de s’installer durablement.

Ces loges sont constituées de puissant commerçants, diplomates et militaires mais jamais de musulmans locaux.

Il faudra attendre le milieu du 19e siècle pour que certains musulmans commencent à y être admis.

Seul les musulmans « éclairés » c’est à dire les moins attachés aux principes de l’islam sont acceptés, les autres sont jugés trop fanatiques et religieux pour s’assimiler et se plier aux règles des loges.

Les loges françaises tolèrent la religion de l’autre si celui ci épouse la religion laïque qui se veut supérieure, tandis que les loges anglaises sont au contraire libérales et accueillent sans condition la religion de l’autre, la philosophie anglaise reconnaissant la pluralité des croyances.

En Algérie la franc-maçonnerie devient l’instrument de la colonisation, dans les loges sont adoptés les propositions de réforme de la société musulmane: réforme du statut de la femme musulmane, abolition des Madrassah, foyers du fanatisme et expurgation du Coran, avec le retrait de toutes les paroles de haine contre les chrétiens…

Le grand orient de France étant peu enclin à fraterniser avec le musulmans à l’inverse des loges anglaises, peu de réformiste musulman adhèrent à la franc-maçonnerie, on peu cité cependant Si Hamza Boubakeur (1912-1995) député du Parti socialiste puis recteur de la mosquée de Paris.

Les loges se développent dans l’empire Ottoman et séduisent beaucoup de juifs, chrétiens et musulmans jusqu’à 1877 ou le sultan Abdelhamid 2 durcit sa politique ce qui entraîne alors la désertion des loges.

Clandestinement le mouvement des Jeunes Turcs adhère à la franc-maçonnerie et s’efforce d’obtenir le soutien du grand orient de France dans leur combat politique, ils parviennent à rétablir la constitution abolit par Abdelhamid 2 et à instaurer un nouveau parlement en 1908.

A Salonique ils défilent scandant « vive la franc-maçonnerie ».

Les lois laïques votées en France les inspirent.

A l’issue de la guerre d’indépendance qui ravage la Turquie ainsi qu’a l’issue de la première guerre mondiale, le grand orient de France prend le parti de Mustapha kemal, puis de la nouvelle république turque fondée en 1923 qui met un terme à l’empire Ottoman, dépose le sultan et adopte la modernité occidentale.

Des savants comme Jamal Ad dine Al afghani et Muhammad Abduh adhèrent un temps aux loges pensant qu’elles peuvent constituer un cadre pour le renouvellement de l’islam, mais nombre d’entre eux déchanteront par le suite.

D’autres comme Rashid Rida tiennent même un discours plus radical vis à vis de l’occident et de la maçonnerie.

Au milieu du 19e siècle des loges musulmanes voient le jour, les musulmans soufi habitués aux rites initiatiques, à la hiérarchie disciple-enseignant, voient dans la franc-maçonnerie de nombreuses similitudes d’où une adhésion importante dans ces milieux et la création de loges musulmanes.

La maçonnerie rencontre une hostilité dans le monde musulman plus qu’ailleurs où elle est accusé de satanisme, sorcellerie…

Rashid Rida formule une fatwa les dénonçant et accusant un complot « judeo-maconnique », ils s’adressent aux savants qui adhèrent à la franc-maçonnerie et leur explique qu’ils ont été trompé et manipulé.

Il informe les savants que la raison qui a poussé certains d’entre eux à adhérer à la maçonnerie n’était que dans le but de parvenir à des objectifs sociaux et politiques et qu’une fois atteint ils l’avaient quitté, il cita le témoignage de Mohamed Abduh et Al Afghani qui avaient ensuite décidé de ne plus jamais retourner en loge.

Pour lui le but des loges est de changer les systèmes politiques et d’éradiquer la religion.

Leur but étant d’abolir la châria au profit de régime politique soutenant l’athéisme.

Pour lui les loges sont l’instrument du sionisme, qui on pour projet de constituer un état juif en Palestine et de reconstruire le Temple sur l’emplacement de la mosquée Al aqsa.

Le mouvement sioniste apparaît suite à l’effondrement des états religieux européens et grâce au soutien des britanniques afin de créer un foyer juif en Palestine.

Malgré son opposition à la franc-maçonnerie les savants wahhabites accusent les successeurs de Rashid Rida, à savoir Hassan Al Banna et sayyid Qotb de maintenir des principes maconniques dans leur organisation (les frères musulmans) et en particulier le principe d’or du groupe selon lequel les hommes doivent s’unir autour des points sur lesquels ils s’entendent et se pardonne mutuellement sur ceux autour desquels ils divergent.

Rashid Rida affirme que les candidats musulmans à l’initiation croient naïvement que l’ordre est une « société de vertu » alors que c’est un « piège », ils croient naïvement que les maçons défendent la religion alors que c’est tout le contraire.

Le protocole des sages de Sion est un texte Russe daté de 1903, ce faux document est publié en France et en Angleterre en 1915, puis en 1921 en arabe par des Chrétiens de Syrie.

Le premier auteur musulman à la traduire le fera en 1951 au Caire.

En 1958 le président Égyptien Nasser conseille sa lecture à quiconque veut connaître les machinations juives, il est également distribué par un monarque saoudien.

En 2002 il est même adapté en série télévisée en Égypte.

L’auteur Turc Haroun yahya publie un ouvrage volumineux sur la franc-maçonnerie et le judaïsme, son ouvrage fait sensation et est tiré à presque 100 000 exemplaires.

Par la suite il modère ses propos allant dans le sens des changements politiques en Turquie et abandonne le négationnisme, il ne s’oppose plus alors aux sionistes, ni aux athées et leurs doctrines comme le darwinisme, le matérialisme et l’athéisme.

En 1978 la ligue islamique mondiale publie une fatwa en 10 points sur la franc-maçonnerie qu’elle qualifie d’organisation dangereuse.

En 1971 le ministère des affaires religieuses Marocain intente un procès à la loge « espérance » composée en grande partie de juifs, l’accusation porte sur la contradiction de cette loge avec les principes de l’islam, en 1985 la maçonnerie est interdite.

En 1909 Sadik Albayrak cite dans la revue « beyan ül-Hakk » que la maçonnerie repose sur 3 principes :

1- réunir toutes les religions ou les abolir toutes

2- unir toutes les ethnies ou abolir le sentiment d’appartenance à un groupe ethnique

3- ramener tous les modes de gouvernement à un mode de gouvernement unique

Les soufis batinistes en 1960 crée une loge maconnique à Istanbul.

Qu’est ce que le batin:

La charia est l’ensemble des commandements relatifs à la croyance en Dieu, pour certains soufis la charia possède une face cachée que l’on nomme « hakikat »(vérité).

Cela signifie que la face apparente de la religion correspond à la charia et sa face cachée est la vérité.

Le Coran également a une face apparente et une cachée, ceux qui se conforment aux commandements apparents sont appelés « zahiri » les hommes de l’apparence et ceux qui pratiquent la science du secret (batin ilmi), qui examinent la vérité du Coran en interprètent ses versets sont appelés « batini » hommes du secret .

Ainsi il y a entre les batinistes et les maçons de nombreux points communs, ce qui leur vaut l’hostilité des courants islamiques classiques.