L’aveugle de l’association des oulémas

Mohammed Kazi Tani est né à Tlemcen le 7 janvier 1913 au moment où le muezzin déclamant l’adhan du fajr prononçait ces mots/ Allahu Akbar et c’est ce qui le guidera tout au long de sa vie.

Au septième jour de sa naissance ses parents découvrent qu’il est aveugle.

Si Dieu lui a ôté la vue, il l’a doté d’une ouïe très fine, d’une grande mémoire et d’une intelligence hors du commun.

Il mémorisa entièrement le Coran malgré son jeune âge et le récitait avec une voix angélique qui provoquait l’admiration de tous.

Il maîtrisa ensuite les sciences religieuses au point qu’à 14 ans il était un véritable faqih, son éloquence et son humour faisait de lui un jeune homme très populaire.

Passionné par les études à défaut de pouvoir partir à la Zitouna de par son handicap il s’inscrit à la medersa Franco-musulmane, son diplôme en poche après 4 ans d’étude il décide de voyager dans l’est algérien afin d’aller à la rencontre d’ibn Badis mais finalement c’est Bachir al Ibrahimi qu’il rencontre et auprès de qui il se met à étudier.

II devient alors adepte de l’islah et participe aux différents congrès de l’association des oulémas, fréquentent leurs cercles, se fait lire leurs revues et devient revendeur de leurs journaux ce qui lui permet de gagner sa vie mais ce qui le met aussi en difficultés avec les autorités coloniales.

Son zèle pour l’islah lui vaut d’être traduit au tribunal en 1934 pour « propagande subversive ».

Malgré les pressions il continue sans relâche sa défense de l’association des oulémas et de ses hommes, il va jusqu’à composer des poèmes satiriques pour ridiculiser leurs opposants.

Ses multiples provocations lui valent d’être assigné à résidence au camp d’internement de Djenien Bou Rezg, il aura une permission de sortie très brève pour la naissance de son premier fils qu’il a prénommé Abdelhamid.

Libéré au bout de 18 mois il se rend sur la tombe du cheikh Ibn Badis qui vient de décéder.

II se procure alors 250 exemplaires de sa photo qu’il vend autour de lui à Tlemcen ou durant ses différents voyages ce qui le conduit à nouveau au commissariat le 17/01/1941 pour cause de « vente de photos d’un homme politique », on lui reprocha de vendre les photos d’ibn Badis au lieu de celles du maréchal Pétain.

Les photos furent saisies, sa surveillance accrue et son gagne pain supprimé.

Partout où il se déplace il est suivi et surveillé et le 17/04/1941 il est à nouveau arrêté car il serait un « dangereux propagandiste ».

Les événements de la seconde guerre mondiale et l’installation de l’armée américaine en Afrique du Nord ont pour conséquence un changement politique, l’administration petainiste est remplacée par une administration gaulliste la majorité des détenus politiques dont Mohammed Kazi-Tani sont alors libérés.

De retour à Tlemcen tous ses amis le fuient de peur d’avoir des problèmes en le côtoyant, ils se trouvent totalement isolé, n’a plus les moyens de faire vivre sa famille, qui vit maintenant chez ses beaux parents.

Mohammed Kazi-Tani est condamné à l’errance, le voilà mis à l’Index pour avoir uniquement vendu la photo d’ibn Badis dont il ne connaissait même pas le visage…