La loi immuable

P111 autorité spirituelle et pouvoir temporel

René Guenon écrit

Toutes les doctrines traditionnelles affirment la suprématie du spirituel sur le temporel et ne considèrent comme normale et légitime qu’une organisation sociale dans laquelle cette suprématie est reconnue. L’histoire montre que la méconnaissance de cet ordre hiérarchique entraîne toujours déséquilibre social, confusion des fonctions, dominations d’éléments de plus en plus inférieurs et aussi dégénérescence intellectuelle, oubli des principes transcendants d’abord, puis de chute en chute, on en arrive jusqu’à la négation de toute véritable connaissance.

Le pouvoir temporel, concerne le monde de l’action et du changement; or le changement n’ayant pas en lui-même sa raison suffisante, doit recevoir d’un principe supérieur sa loi, par laquelle seule il s’intégrer à l’ordre universel; si au contraire il se prétend indépendant de tout principe supérieur, il n’est plus, par là même que désordre pur et simple.

Le désordre est au fond la même chose que le déséquilibre, et dans le domaine humain, il se manifeste par ce qu’on appelle l’injustice.

La Loi est niée dès lors qu’on nie le principe même dont elle émane; mais ses négateurs n’ont pu la supprimer réellement et elle se retourne contre eux; c’est ainsi que le désordre doit rentrer finalement dans l’ordre, auquel rien ne saurait s’opposer, si ce n’est en apparence seulement et d’une façon tout illusoire.

Parmi ceux qui se posent en défenseurs de l’autorité spirituelle, combien en est-il qui soupçonnent ce que peut être cette autorité a l’état pur, qui se rendent compte de ce que sont ses fonctions essentielles et ne s’arrêtent pas à des apparences extérieures, réduisant tout à de simples questions de rites, dont les raisons profondes demeurent d’ailleurs totalement incomprises, et même de « jurisprudence », qui est une chose toute temporelle?