La laïcité, liberté de culte ou totalitarisme

La laïcité, liberté de culte ou totalitarisme 

 

Jusqu’en 1789, la France était dirigée par une monarchie de droit divin, la révolution eut pour conséquence d’abolir ce système pour le remplacer par ce qui est devenu « la république ». (La révolution Mr Graume)

 

Après l’échec de la constitution du clergé en juin 1790, le Christianisme se renforça dans certaines régions, comme en Vendée.

Les républicains prirent peur, après de violentes répressions, le pouvoir politique du christianisme fut définitivement abattu avec la proclamation de la loi de 1905.

(Quand les catholiques étaient hors la loi Jean Sevilla)

 

Emmanuel Todd écrit à ce sujet : « La puissance du catholicisme a fait peur et à conduit les hommes de la république à réaliser en 1905, la séparation de l’Église et de l’état. » 

(Qui est Charlie? Sociologie d’une crise religieuse)

 

Le Pape Pie VI dans son encyclique du 10/03/1791, condamna la constitution civile du clergé, les catholiques entrèrent alors en résistance.

Le clergé, appelé à prêter serment à la constitution, se divisa en deux groupes :

– le clergé constitutionnel 

– le clergé réfractaire 

Une vague de répression frappa l’Église et les religieux, forçant ceux qui refusaient de se plier à l’exil ou l’emprisonnement.

Une partie du clergé décida de prêter serment dans l’intérêt de la religion.

(Quand les catholiques étaient hors la loi Jean Sevilla)

 

L’abbé Maret écrivit : « de cette conciliation de la religion avec la liberté se trouve le salut de la société. »

(L’église et le ralliement Philippe Prévost)

 

Dès 1905, quand la loi sur la séparation de l’église et de l’état fut votée, l’église fit entendre son mécontentement.

 

Le 11/02/1906, le Pape Pie X condamna cette séparation dans une encyclique désormais célèbre, il qualifia celle-ci de thèse fausse, injurieuse vis à vis de Dieu, ce Dieu à qui nous devons le culte privé, public et social.

(Vehementer Nos Lettre encyclique du 11 février 1906 du Pape Saint Pie X )

 

Le Pape XI après lui, qualifia la laïcité de « peste de notre époque. »

(Le Pape Pie XI et l’opinion Marc Agustino)

 

Le 10/03/1925, l’assemblée des cardinaux et des archevêques déclara : « les lois de laïcité sont injustes, d’abord parce qu’elles sont contraires aux droits formels de Dieu.

Elles procèdent de l’athéisme et elles tentent de subsister à Dieu des idoles. »

(Brève histoire de la laïcité Alexandre Marie)

 

 

L’abbé Alexandre Marie déclara : « la république laïque n’est neutre en matière spirituelle et morale qu’en apparence. » 

 

Il dit aussi : « cette autonomie du temporel vis à vis de Dieu, Sa Loi et la loi naturel, n’est autre que l’apostasie des nations. »

(Brève histoire de la laïcité Alexandre Marie)

 

 

Malgré cette opposition d’une partie du clergé, en 1908, l’Église avait perdu tout ce qu’elle possédait comme avantage jusque-là.

 

Ce fut le début du ralliement de l’Église à la République, dont la consécration sera Vatican II en 1962.

(L’Église et le ralliement Philippe Prévost)

 

Pour les juifs, ils ne bénéficiaient d’aucun statut dans la monarchie de droit divin et étaient à la merci des décisions royales; tantôt les expulsaient, comme ce fut le cas durant le règne de saint Louis, tantôt leur imposaient des signes distinctifs comme l’exigea le Pape Grégoire IX.

Vivant entre privation de liberté, humiliations et confiscations de leurs biens, la République et les lois laïques leurs permirent d’obtenir un statut et une reconnaissance jusqu’alors inexistante.

(Napoléon et les cultes Jacques-Olivier Boudon)

 

Pour les musulmans, l’illustration de la position de la République vis à vis de l’Islam peut être illustré avec la situation coloniale en Algérie.

Alors qu’en 1905, l’Algérie était une colonie française, la loi de 1905 aurait dû, théoriquement et logiquement, s’y appliquer.

Or, l’application de celle-ci obligeait la France à laisser libre les institutions théologiques, ce qui aurait affranchi les imams de tout contrôle.

Ainsi, la loi de 1905 ne fut pas appliquée en Algérie.

Pis, les institutions religieuses subirent de la part de l’état Français un contrôle strict et une ingérence totale qui fut dénoncée par l’association des oulémas Algériens, ces derniers militant pour l’application de la laïcité.

(Histoire de l’Algérie coloniale, collectif édité aux éditions La découverte et L’islam authentique appartient à Allah, l’islam algérien à César, Genèses numéro 69).

 

Ce retour en arrière, nous rappelle que la loi de 1905, si elle fut une libération et une garantie de liberté pour les juifs, elle s’attaqua néanmoins au christianisme et ne fut pas appliquée pour les musulmans.

 

L’essence même de la laïcité a pour vocation de garantir l’indépendance entre les institutions de l’état et les religions ; les cultes n’ont pas à interférer dans la gestion de l’état et l’état doit être neutre vis à vis des religions.

(Histoire de la laïcité en France Jean Baubérot)

 

Or, née dans un contexte d’opposition des mouvements de libres penseurs avec l’autorité chrétienne, une sorte de mystique se développa autour d’elle. Vincent Peillon l’a bien expliqué en disant que «  la laïcité, elle-même peut alors apparaître comme cette religion de la république recherchée depuis la révolution. »

(Une religion pour la république Vincent Peillon)

 

Il écrit aussi « il faut remplacer le moral et le spirituel de l’Église catholique, inventer une religion républicaine qui doit accompagner la révolution maternelle mais qui est la révolution spirituelle : c’est la laïcité. »

 

« Toute l’opération consiste bien avec la foi laïque à changer la nature de la religion de Dieu, du Christ et à terrasser définitivement l’Église, pas seulement l’Église catholique mais toute orthodoxie. »

 

« La République laïque, n’est pas neutre, elle est offensive, conquérante. »

 

Et pour finir « l’idée que la république est areligieuse est une idée fausse, la laïcité est la religion universelle, son temple est l’école, son clergé les maîtres d’école. »

 

(Une religion pour la république Vincent Peillon)

 

Jules Ferry déclara avant lui « ce que nous voulons c’est libérer les consciences, émanciper les intelligences et organiser l’humanité sans Dieu. »

(Le complot contre Dieu Yohan Livernette)

 

Cette vision de la laïcité n’est pas nouvelle, elle est plutôt héritée de la révolution française.

D’ailleurs dès 1906, Maurice Allard, l’exprima au parlement quand il affirma « la malfaisance de l’église et des religions doit être diminué par la laïcité.

Il faut achever l’œuvre de déchristianisation de la France.»

Il insista sur la fait que la laïcité implique le combat des religions, qui sont un obstacle permanent au progrès et à la civilisation. »

Il continua par expliquer qu’il a fallut la révolution Française pour redonner au cerveau de notre race sa véritable puissance de normale évolution et possibilité de progrès. »

Il répétait souvent au parlement que « fille du judaïsme, la religion chrétienne est un fléau dont les ravages sur l’esprit humain ne peuvent être comparé qu’à ceux de l’alcoolisme. »

Il affirma également que la liberté de conscience n’inclut pas la liberté de religion, car la religion est par essence « l’oppression des consciences. »

Il définit alors la laïcité comme un moyen d’émancipation à l’égard des religions et non l’égalité des droits pour tous quelque soit sa croyance.

( les 7 laïcités françaises Jean Baubérot)

Cette séparation avec la religion qui dérive vers un combat de l’expression de la religion dans la vie publique est propre à la France, celle-ci porteuse des valeurs « universelles » héritées des philosophes des Lumières ne peut laisser une religion universelle la concurrencer dans l’éducation, le pouvoir et les règles de vie en société.

 

Quant aux autres pays laïcs, ils le sont dans leur neutralité vis à vis des religions mais ne combattent pas l’expression de la religion dans la vie publique.

 

En Angleterre, par exemple, le chef de l’état est aussi chef de l’Église anglicane, sur le dollar américain, il est écrit « en Dieu nous croyons. »

 

Dans ce contexte, la confusion règne autour de ce mot utilisé à tort et à travers, et appliqué différemment au cours de l’Histoire et d’un pays à l’autre.

 

Jean Picq, professeur de sciences Po affirme « qu’au vu de la confusion qui s’est installée dans les esprits, le risque existe que plus personne ne sache très bien en quoi consiste la laïcité. »

 

La présidente de la commission nationale consultative des droits de l’homme, Christine Lazerges se montre perplexe « quand la laïcité est plébiscitée, il faut se demander de quelle laïcité il est question. »

(Les 7 laïcités françaises Jean Baubérot)

 

Pour pierre Larousse auteur du grand dictionnaire, l’islam est plus compatible avec la laïcité car il n’a pas de clergé. Il appuie son propos en mettant en contraste le régime plutôt tolérant de l’empire Ottoman avec l’Inquisition de l’Église.

Depuis, la situation s’est inversée ; la laïcité anti-religieuse, et surtout anti-catholique, est devenue anti-islam demandant à l’état de « tout refuser aux musulmans en tant que groupe communautaire et tout garantir aux musulmans en tant qu’individus et citoyens. »

C’est ce même double jeu que la révolution a pratiqué après avoir « tout refusé aux juifs comme nation » et avoir proclamé leur « émancipation » comme « individus ».

(Les 7 laïcités françaises Jean Baubérot)

 

 

Cette introduction est primordiale ; la laïcité qui garantit la liberté des cultes peut devenir un totalitarisme comme elle l’a montré vis à vis des chrétiens ou comme elle le montre encore dans certaines situations vis à vis des musulmans.

Cette laïcité, qui se veut être la neutralité de l’état vis à vis des religions, est maintenant élargie aux élèves, aux fonctionnaires, jusqu’aux mères de famille qui accompagnent les sorties scolaires.

Elle devient alors l’outil du totalitarisme.

 

Le vivre ensemble ne doit pas être « vivre ensemble si on se ressemble ». Le principe même de la tolérance, est d’accepter les différences et non de chercher à contraindre les individus à être tous pareils pour vivre ensemble.

 

Certains opposants aux Bolcheviques disaient : « les hommes sont tous différents car ils sont libres, s’ils sont tous égaux, c’est qu’ils ne sont pas libres. »

 

Si la laïcité dans un contexte comme celui de la France est une garantie de liberté – si celle-ci reste fidèle à sa définition théorique -, elle peut s’avérer être dangereuse en devenant une idéologie revendiquant une « sacralité » supérieure à toutes autres idéologies ou religions, qui de facto lui donnerait droit d’imposer, de contraindre.

 

 

On comprend pourquoi Yahya Michot a fait remarqué que la laïcité mériterait peut-être d’être inclus dans ce qu’Ibn al-Jawī appelle « les travestissements du diable (Tablīs iblīs) 

(Musulman d’Europe Jean Michot)

 

Face à cette confusion quant au véritable but de la loi de 1905, on comprend alors la position et l’action de l’association des musulmans algériens, qui militèrent pour son application en Algérie afin d’obtenir la liberté de culte et de se préserver de l’ingérence de la France, tout en refusant d’adhérer à sa mystique.

Ainsi tout au long de leur combat pour que la laïcité s’applique en Algérie les oulémas utilisèrent le terme « laïcité » mais jamais « ilmaniyya ».

Ce choix traduisait leur volonté de dissocier la règle de droit instaurant la neutralité des autorités religieuses en matière religieuse et la signification philosophique de la laïcité.

Ils pouvaient ainsi exhorter à la séparation sans adhérer à la laïcité.

Cette dernière étant connotée négativement car synonyme de sécularisation.

Retourner contre le colonisateur les principes qu’il affirmait promouvoir en Algérie ne signifiait pas pour autant y adhérer.

Bien que paradoxale, leur position n’était que le miroir de la position tenue par l’état colonial, celle d’une laïcité proclamée mais vidée de son contenu en l’absence de neutralité en matière religieuse.

Les oulémas firent de la loi de 1905 le moyen détourné pour ouvrir la voie à la fin de l’administration coloniale du culte musulman, à la séparation du culte musulman de l’état colonial.

Cette séparation était l’unique moyen d’exercer ses activités sans contraintes, d’élargir son espace de prédication et de déboucher sur la rétrocession des fondations pieuses et des lieux de culte.

Pour l’administration la séparation intégrale annonçait une indépendance de l’islam susceptible de créer un espace de liberté, or pour le colon l’islam est incapable de séparer le religieux du politique.

Comme l’affirma, Jean Mirante, membre de l’administration, au moment du dépôt des statuts de l’association des Oulémas Algériens « ils sont trop imbus du dogme coranique pour laisser de côté la politique. »

(Genèses numéro 69)

Ces quelques lignes montrent comment la laïcité peut être la solution comme le problème, ce concept est ainsi plus complexe qu’il n’en a l’air, son histoire dévoile ses différentes facettes, à nous de nous en inspirer pour l’avenir.