On entend souvent des intellectuels accuser le wahhabisme ou l’imam Ibn Abd Al Wahhab d’être à l’origine de l’extrémisme religieux.
Le conseil d’état a même pris une décision de censure d’un ouvrage pour enfant, pour seul motif que celui ferait la promotion de l’islam wahhabite.
Certains islamologues comme Ghaleb Bencheikh vont jusqu’à dire que le 18e siècle a vu la naissance de deux hommes au message opposé, un en occident qui proposait de se libérer de la religion, Emmanuel Kant, qui écrit « la religion dans les limites de la raison » et Muhammad Ibn Abd Al Wahhab qui proposerait la régression vers un islam obscurantiste.
Opposant les lumières aux lumières de la foi.
Kant cantonne la religion aux limites de la raison, quand Ibn Abd Al Wahhab rétracte l’intelligence en ne traitant que de la question religieuse, en enseignant les règles des ablutions et de la prière (voir conférence publique enjeux et perspectives partie 1- Alain Graesel-franc-maçonnerie)
Qu’en est il vraiment :
La chercheuse universitaire, Natana J.Delong-Vas dans son livre « islam Wahhabite » édité aux éditions Oxford Press, a étudié les principales sources du wahhabisme et entres autres celles des historiens du wahhabisme Ibn Ghannam et Ibn Bishr voici ses conclusions.
Présentation du Najd
La particularité du Najd est qu’il présentait peu d’intérêt pour les conquérants étrangers par conséquent son histoire est davantage marquée par les guerres entre tribus locales, ainsi même pendant le règne de l’empire ottoman, le Najd conserva son indépendance.
Le Wahhabisme n’est donc pas une réponse au colonialisme européen ou à la consolidation de l’empire Ottoman.
Sans importance commerciale ou religieuse cette région ne représentait pas d’intérêt pour une conquête impériale.
Le wahhabisme n’est ni une aberration historique ni un phénomène isolé, il n’est pas un courant innovateur ou hérétique mais il fait plutôt partie de la pensée islamique de l’époque, néanmoins adapté intrinsèquement à un contexte spécifique.
Le 18e siècle, un siècle de réforme et de renouveau
Le 18e siècle est souvent présenté comme le siècle du renouveau islamique, bien que chaque mouvement ait eu ses propres caractéristiques, l’environnement et le contexte furent déclencheur d’un éveil religieux et réformiste alors que le siècle suivant fut le siècle ou surgi l’impérialisme européen engendrant des mouvements de revendications d’indépendance.
Pour les réformateurs du 18ème siècle l’un des principaux signes de la détérioration de l’islam était l’adoption de rituels et de croyance issues d’autres religions comme le fait d’adresser des prières aux saints, de recouvrir aux pratiques superstitieuses…
L’islam prêchant un monothéisme absolu, Dieu est le seul digne d’adoration.
Pour les réformateurs ces actions étaient incompatibles et opposées à l’attestation même de la foi.
C’est pourquoi les mouvements réformistes insistaient de manière catégorique sur le fait qu’un retour au monothéisme absolu était la première étape nécessaire à toute réforme en islam.
Comme les autres courants réformistes le wahhabisme partageait cette préoccupation et devint célèbre pour son adhésion stricte au Tawhid.
Les réformateurs du 18ème siècle pensaient que cette adhésion au Tawhid devait également se refléter dans la vie publique en plaçant Dieu au centre de l’ordre politique.
Les réformateurs étaient persuadés que c’était là la clé pour restaurer le pouvoir et le prestige des premiers musulmans.
Pour autant ils ne cherchaient pas à renverser les régimes en place pour réaliser leurs objectifs mais pensaient que la réforme passait par la base de la société à travers la purification des dogmes et des mœurs.
L’appel des wahhabites se distinguaient par l’importance qu’ils donnaient au hadiths, au point qu’ils devinrent connus pour leurs voyages à travers le monde à la recherche de compilations de hadiths, l’historien égyptien Al Jabarti relate par exemple sa rencontre avec des érudits wahhabites.
Les réformateurs avaient pour souci d’étudier les textes en retournant de manière directe aux écritures afin de relancer l’ijtihad et de ne pas se restreindre au taqlid.
Le taqlid avait pour eux entraîné les musulmans à donner aux interprétations des imams le même statut qu’aux écritures relevées.
L’ijtihad devint alors une caractéristique des mouvements de réforme.
Ces réformateurs n’étaient pas engagés dans des batailles pour l’indépendance et le jihad n’était pas le premier but de leurs mouvements, ce qui les distinguent des mouvements qui virent le jour au siècle suivant et dont le jihad pour se débarrasser des dominateurs coloniaux devint la priorité.
La vie et les enseignements de Muhammad Ibn Abd Al Wahhab reflètent ces thèmes propres à la réforme du 18ème siècle.
Comme ses contemporains il a appelé à la reconstruction socio-morale de sa société par le biais d’une plus grande adhésion au monothéisme et par une attention renouvelée au Coran et aux hadiths.
Il a rejeté l’imitation des anciennes interprétations (taqlid) et favorisé une lecture novatrice et directe (ijtihad) des écritures en les contextualisant et en étudiant le contenu.
Savant religieux, il bénéficia d’une protection de la part d’un chef politique local.
Le Jihad n’était pas son but principal ni celui de son mouvement.
Il fut contesté par les savants et chefs locaux qui virent en ses enseignements des menaces pour leurs propres assises de pouvoir.
Les sources pour la connaissance du wahhabisme
Les deux principaux chroniqueurs du wahhabisme sont Ibn Ghannam, contemporain de Muhammad Ibn Abdelwahab, qui l’accompagna durant sa vie et collecta les informations à son sujet, puis Uthman Ibn AbdAllah Ibn Bishr, qui n’a pas connu l’imam mais a côtoyé ses élèves.
Ces chroniques relatent la persécution qu’ils ont endurés ainsi que les actes controversés qu’ils ont commis à leur début mentionnés de manière apologétique.
Quant aux écrits des opposants aux wahhabites ils sont historiquement peu crédible car ils sont extrêmement polémiques au point qu’il est difficile de faire la différence entre les faits réels et les rumeurs.
Également la plupart de ces récits traitent d’événements ultérieurs dans le mouvement wahhabite et non de sa période initiale ou de la vie de son fondateur.
Parmi les exemples les plus importants en matière d’écrits critiques on trouve les travaux d’Ahmed Ibn Zayni Dahlan, composés longtemps après la mort d’Ibn Abd Al Wahhab, l’auteur étant né en 1816 alors que l’imam est mort en 1797.
Ces récits polémistes peuvent servir par contre à reconstruire la manière dont le mouvement wahhabite était perçu par ses opposants.
Le troisième type de source, les comptes rendus de voyageurs occidentaux, n’ont pas été utilisés également pour des raisons similaires à celle du point précédent.
Nombreux n’ayant jamais rencontrés les wahhabites, leurs récits sont généralement que des transmissions de ce qui leur a été rapportés.
Muhammad Ibn Abd Al Wahhab, prédicateur ou combattant
Muhammad Ibn Abd Al Wahhab loin d’être un adepte de la violence, cherchait à engager le dialogue et débattre des questions religieuses et non de promettre l’enfer à ses contemporains comme aiment le dire ses opposants.
Il croyait en l’importance de l’éducation et de la science, utilisant le débat pour faire triompher sa cause.
Quant aux anecdotes mentionnant qu’il aurait usé de violence, elles font objet de débat et sont controversées.
Ayant côtoyé les chiites en Iraq, il connaissait parfaitement leurs dogmes et seul un écrit de sa part est critique envers une secte d’entre eux, les Rawafid, en dehors de ça il ne s’attaqua jamais particulièrement aux chiites.
Après avoir étudié en Iraq et en Syrie, il rentra chez lui, ou il continua à étudier et rédigea son « kitab at tawhid » qui se répandit rapidement, on aime souvent dire que les siens se sont opposés mais ce qu’on dit moins et qui est plus clair c’est qu’au contraire son message bénéficia d’un large soutien, puisque son livre se propagea et nombreux adhérèrent à son appel, un mouvement non considéré et même critiqué n’aurait pu perdurer et convaincre autant d’adeptes en si peu de temps.
Quant à ceux qui affirment qu’il aurait à la mort de son père déclaré le jihad à ses opposants, cela semble incompatible avec l’essence de son message et avec ses moyens, matériellement cela était impossible surtout qu’il n’avait pas encore de protection politique.
Les habitants de Huraymila ayant répondu favorablement à son appel, l’accueillirent et lui apportèrent son soutien, mais sa dénonciation de l’immoralité sexuelle des habitants déclencha un mouvement de contestation qui se solda par une tentative d’assassinat.
Il quitta alors la ville pour sa ville natale d’Al Uyaynah, Uthman Ibn Muammar chef des lieux, le maria à sa tante et accepta son appel, ils nouèrent une alliance politico-religieuse.
Cette première alliance politique n’est pas propre au wahhabisme mais était une tactique adoptée par nombre d’autres réformateurs de l’époque.
Cette alliance clarifia alors les fondements politiques du wahhabisme à savoir qu’un pouvoir terrestre doit naître de la reconnaissance du rôle unique de Dieu.
Le passage à l’acte
Cette période est caractérisée par 3 événements, l’abattage d’un arbre « sacré », la destruction d’un monument funéraire et de la lapidation d’une femme adultère, ces événements reflétaient l’application du message de Mohamed Ibn Abd Al Wahhab et firent connaître son appel à travers toute la région.
Si Muhammad Ibn Abd Al Wahhab détruisit le tombeau de Zayd ce n’est pas à cause d’une application littérale du hadith mentionnant de niveler les tombes mais à cause des vénérations que lui offraient les habitants du Najd.
Cette tombe étant devenu un lieu important de pèlerinage sa destruction entraîna une perte financière importante pour les locaux.
En conséquence ses opposants eurent la confirmation de son extrémisme supposé, la démolition servit de modèle aux wahhabites à travers le monde, ce qui les opposa partout où ils se trouvent aux chiites ainsi qu’aux extrémistes soufis et indiqua que les principaux ennemis du wahhabisme étaient ceux adhéraient à l’islam tout en étant polythéistes.
Ainsi les lignes d’affrontements entre wahhabites et non wahhabites furent les paroles et actions jugés incompatibles avec le principe absolu du Tawhid.
Pour autant l’imam n’appela pas ses disciples à s’engager dans la destruction de tous les autres objets ou constructions qui les entouraient.
Quant à la lapidation de la femme adultère il est mentionné dans son « fatawa wa masail » dans la note 56, que l’imam fut très mal à l’aise avec la conclusion de cette affaire et qu’il aurait préféré qu’elle change de comportement et échappe à la sanction.
Le récit complet relate que la femme en question vint d’elle même à l’imam et avoua son acte, ce n’est donc pas l’imam qui demanda l’application de la peine ou ses disciples mais elle qui vint confesser son péché.
Le dénouement de cette affaire relève du choix délibéré de l’intéressée de persister dans son comportement immoral.
L’imam demanda que l’on vérifie sa santé mentale, et malgré qu’elle était saine d’esprit il demeura réticent à ordonner sa lapidation.
Elle revint le voir à plusieurs reprises confessant à chaque fois avoir à nouveau péché.
A trois reprises l’imam l’exhorta a changer.
Puis n’ayant d’autres choix et ayant épuisé les options il finit par demander d’appliquer la sentence.
Ce n’est donc pas un politique misogyne, ou visant les femmes mal voilée ou allant à la recherche et l’espionnage des pêcheurs comme ceux qui instrumentalisent cette histoire et la sortent de son contexte veulent le faire croire mais bien une situation exceptionnelle, qui confirma certes la détermination de l’imam à être fidèle à la loi musulmane mais en aucun cas une politique de discrimination à l’égard des femmes ou même une politique de terreur.
Cet incident fut utilisé par ses opposants pour convaincre les dirigeants politiques locaux que l’imam encouragerait la population à la révolte.
Mais la contextualisation nous permet de comprendre que ces opposants, les érudits religieux locaux et dirigeants politiques voyaient en lui une menace pour leur propre pouvoir.
L’imam prêchait que chaque musulman devait lire et apprendre ce qui risquerait de saper l’autorité des oulémas qui avaient le monopole des sciences religieuses ce qui leur donnaient un rang élevé et leur donnaient autorité sur le commun des gens condamnés à les suivre aveuglément.
Son appel limitait considérablement le rôle des oulémas.
De plus il fustigeait leur manque de connaissance des textes et le fait qu’ils donnaient préséance à leurs propres interprétations sur les textes révélés.
Dénoncer le taqlid, relancer l’ijtihad, appeler les hommes et les femmes à apprendre le savoir qui étaient alors, réservés à l’élite dérangeait les oulémas qui vivaient de ce taqlid et cette ignorance.
Il critiqua le fait que ces oulémas exigent d’être payés pour délivrer une fatwa, ce qui déclencha une compagne visant à le discréditer, cette campagne survécu à travers le temps et provoqua une perception négative des enseignements de l’imam .
La violence du wahhabisme envers ses opposants
Parmi les accusations les plus récurrentes le fait qu’il privilégiait la violence contre ceux qui n’adhéraient pas à sa doctrine, faisant du wahhabisme un courant sanguinaire, alors que ce fut plutôt lui qui fut victime de l’intransigeance des oulémas adeptes du taqlid et dénonçant l’ijtihad qu’il voulait faire revivre, subissant leurs calomnies et la mobilisation des dirigeants contre lui et ses disciples.
Le premier incident eut lieu alors qu’il était sous la protection d’Ibn Muammar, le chef de tribu Suleyman Ibn Muhammad, menaça de le priver des taxes qu’il récoltait si il continuait à le protéger, la perte financière trop importante que cela représentait le poussa à demander pacifiquement à Ibn Abd Al Wahhab de quitter la région, ce qu’il fit sans insister, son départ contraste bien avec l’image sanguinaire qu’on lui attribue.
Arrivé à Dir’iyah, il mena discrètement sa prédication auprès de ses sympathisants, son appel se propagea et la femme de l’émir local Muhammad Ibn Saoud y adhéra puis persuada son mari et ses frères de soutenir l’imam.
Il put alors enseigner le Tawhid et combattre le polythéisme publiquement, le pouvoir politique ne l’intéressant pas, l’alliance se fit naturellement entre les deux hommes.
Ibn saoud fut chargé des questions politiques et lui des questions religieuses.
Pour autant l’imam n’était pas prêt à cautionner religieusement les dérives d’ibn Saoud, lorsque celui ci conquit Dir’iyah totalement et saisit les biens de la population, Ibn Abd Al Wahhab ne l’approuva pas et s’écarta même de lui pour se réfugier dans la prière, comme le rapporte Ibn Bishr.
Ses écrits prouvent qu’il n’approuvait pas les attaques menés par Ibn Saoud.
L’imam privilégiait le dialogue envoyant des lettres aux dirigeants des autres villes.
Il prenait le temps de faire connaître son appel, la conquête de Riyad dura 27 ans, délai considérable pour pouvoir faire comprendre le Tawhid aux habitants.
Et malgré les combats qui les opposèrent à leurs détracteurs aucun acte de vengeance n’eut lieu contre ses habitants.
La prise de Riyad illustre bien la politique de l’imam et dément les accusations de violence envers les non-wahhabites.
Un des derniers à rejoindre l’imam fut son premier protecteur Ibn Muammar, celui-ci par la suite fut accusé de trahison et assassiné par un groupe de wahhabites, ce qui mis en fureur Ibn Abd Al Wahhab, comme le rapporte Ibn Bishr.
Tous ces récits relatant son opposition à certaines actions politiques d’Ibn Saoud ou de ses disciples, montrent que l’imam restait fidèle à sa vision de réformiste qui voulait réformer les croyances par l’éducation.
D’ailleurs ceux qui répondirent à son appel à la hijra, ne devinrent pas des soldats wahhabites, mais se plongèrent dans une vie d’étude religieuse, au point que beaucoup de migrants trouvèrent cette nouvelle vie fastidieuse.
A tord, ils pensaient en arrivant devenir des combattants et s’enrichir de butin dans un contexte de conquête tribale.
L’objectif d’Ibn Abd Al Wahhab de réformer l’islam fut éclipsé par la quête de Muhammad Ibn Saoud pour consolider et étendre son état.
Une opposition militaire apparue contre les wahhabites accusés d’ignorance, de sorcellerie et de mensonges, le jihad défensif fut proclamé.
Ce jihad défensif resta limité, les combats n’étant autorisés que contre ceux qui les avaient directement attaqué.
Cette première guerre sainte servit à signifier à leurs adversaires qu’ils étaient capables de se défendre.
Ibn Abd Al wahhab refusa de prendre une part du butin gagné et rappela que celui ci ne devait être utilisé que pour satisfaire les besoins du peuple et non s’enrichir.
Les acquisitions matérielles entraînèrent une fracture entre lui et Ibn Saoud.
Il fut consterné par ce qu’il vit dans les terres contrôlées par les Saoud, vie luxueuse et négligence religieuse, rappelant aux saoud qu’ils s’étaient engagés à soutenir et mettre en œuvre le Tawhid.
Malgré cela les saoud continuèrent leurs campagnes militaires pour étendre leur pouvoir et augmenter leurs richesses.
Lorsque Muhammad Ibn Saoud mourut en 1767 et que son fils Abdelaziz lui succéda, l’option matérialiste se renforça.
Alors que l’imam était caractérisé par la pauvreté, Abdelaziz le fut par le pouvoir et le luxe.
Les Saoud ne s’intéressaient plus à la réforme religieuse de l’imam.
En 1773 après la conquête de Riyad, il démissionna de son poste d’imam et se retira de la vie politique.
Abdelaziz continua son expansion sans lui au delà des frontières du Najd, dans le
reste de l’Arabie, de l’Irak et de la Syrie.
Ce qui montre que la famille Saoud avait pour but d’agrandir son pouvoir et ses territoires avec ou sans légitimation religieuse.
Le pouvoir saoudo-wahhabite atteignit son apogée entre 1792 et 1815, longtemps après le retrait d’ibn Abd Al wahhab de la vie publique.
Celui-ci se consacra à l’apprentissage, l’enseignement et la dévotion jusqu’à sa mort et laissa derrière lui d’éminents érudits qui se consacrèrent à ses enseignements.
La chercheuse universitaire, Natana J.Delong-Vas écrit en conclusion, sa biographie telle qu’elle apparaît à travers les écrits d’Ibn Ghannam et Ibn Bishr montre que sa volonté était de revenir aux sources fondamentales de l’islam, avec pour thème central de son appel le Tawhid et l’opposition à l’association ainsi que son soutien à l’ijtihad (la ré interprétation de la loi islamique) et le rejet du taqlid, sans oublier sa préoccupation pour les droits des femmes et sa volonté de limiter de décourager l’usage du jihad et de la violence pour mieux privilégier l’éducation et le débat.
Pour finir, les détracteurs de Muhammad Ibn Abd Al Wahhab affirment qu’il est un hérétique décrié par les différents courants de l’Islam, à leur tête son frère Souleyman.
Qu’en est il vraiment?
Son frère Souleyman, suite à un différent les opposant, les adversaires d’Ibn Abd Al Wahhab diffusèrent deux épîtres à charge qui furent signés de son nom.
Par la suite il devint un partisan de l’appel de son frère et se rendit à Dir’iyya pour lui présenter ses excuses.
Si les lettres étaient réellement écrites par lui, son adhésion par la suite a l’appel de son frère suffit pour ne pas les prendre en compte, mais le fait qu’Ibn Ghannam, le témoin oculaire de toutes les controverses, qui a mentionné les noms de tous ses adversaires ne l’ai pas mentionné suffit pour mettre le doute sur l’authenticité de ces écrits.
De plus Souleyman écrivit à Hammad Ibn Muhammad At Touwayjri, Ahmed et Mohammed Othman Ibn Chabana une lettre dans laquelle il éloge le cheikh Muhammad Ibn Abd Al Wahhab et les enjoint à suivre son appel.
( Correction de l’erreur historique sur le Wahhabisme du Dr Mohammed Ibn Saad ach Chouwai’ir p102)
Le Dr Youssouf Qardawi, leader des frères musulmans déclare à son sujet « Dans la péninsule arabique, l’imam Muhammad Ibn Abd Al Wahhab donna la priorité à la défense du dogme et notamment la libération du principe de l’unicité des idées associationnistes et des superstitions qui en maculaient les sources.
Il composa, à ce sujet, des ouvrages et des épîtres et mena des campagnes de prédication visant à annihiler, de manière pratique, les formes d’associationnisme.
(La science des priorités p281)
Bachir Al Ibrahimi, membre fondateur de l’association des oulémas algériens écrit « Ils disent que nous sommes des wahhabites, une parole tellement répétée ces derniers temps qu’elle a fait oublier les précédentes, telles que : Abdawites, Ibadites ou kharidjites. Nous sommes – par la grâce d’Allah – stables, dans la même position qui est celle de la vérité, mais on nous colle chaque jour un attribut, et on nous donne à chaque fois un nom. Ils prennent ces différents noms comme des outils pour détourner le commun des gens de nous et comme armes avec lesquelles ils nous combattent ; et à chaque fois qu’un outil s’épuise, ils apportent un autre.
Ces armes se caractérisent par leur inefficacité et leur inutilité. Le dernier type d’arme inopérante qu’ils exposent ces jours est le mot «Wahhâbi» (wahhabite) ; et peut être qu’ils lui ont attribué des qualificatifs négatifs qu’ils n’ont pas attribués aux autres mots et ils lui ont donné de l’importance plus que tout autre mot, et peut être qu’ils récompensent la personne qui a innové ce mot en l’appelant (un grand inventeur)».
Puis, il a ajouté -رحمه الله- :
«Ô peuple ! La vérité prime sur les personnes, et la Sounna ne se nomme pas du nom de celui qui la revivifie. Les wahhabites sont des musulmans qui appartiennent, comme vous, à l’Islam et vous surpassent en la pratique de ses rites et des ordres d’Allah. Ils surpassent tous les musulmans en une chose ; c’est qu’ils n’acceptent jamais l’hérésie ; et quel est leur péché s’ils contestent ce que le Livre d’Allah et la Sounna de Son Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم contestent, et si Allah leur a facilité les moyens par lesquels ils peuvent changer le mal ?
Est-ce que si on est d’accord avec un groupe des musulmans sur une chose incontestablement admise dans la religion, ou sur le fait de changer les choses répréhensibles et manifestes, que ce soit chez nous ou chez vous – et le mal reste un mal même si l’on change de patrie – vous nous joignez à eux pour nous dénigrer et nous dédaigner tous deux.
Nous sommes différents, du fait que nous sommes malikites malgré vous, et qu’ils sont hanbalites malgré vous, que nous sommes en Algérie et qu’ils sont dans la péninsule arabique, que nous utilisons pour la réforme la plume et eux s’appliquent en pratique, qu’ils détruisent les mausolées avec des pioches alors que nous écrivons sur leurs bâtisseurs des reproches»
«Âthâr El-Imâm Mohammed El-Bachîr El-Ibrâhîmi» (1/123-124).
Quant aux chercheurs et orientalistes qui ont écrit sur le sujet, l’orientaliste Henri Laoust écrit: « Le Wahhabisme, dit-on parfois, est un mouvement exclusivement religieux qui s’est assigné pour but de ramener l’Islam à sa pureté première. On le définit parfois aussi comme un puritanisme quelque peu fanatique, n’admettant aucune forme de compromission, comme un renouveau du Kharidjisme, ou enfin comme une manière de protestantisme qui se caractériserait avant tout par une hostilité farouche au culte des saints. C’est définir un mouvement par quelques-uns de ses caractères secondaires et dérivés, tels que les ont vus surtout ses adversaires, ou tels qu’ils ont été présentés par ses représentants les plus intransigeants. »
Laoust donne ensuite la définition du wahhabisme : il s’agit d' »un mouvement arabe de rénovation politique et religieuse, qui s’est donné pour but, au moment où l’Empire ottoman commençait à manifester ses premiers signes de désagrégation, d’organiser un Etat conformément aux principes de droit public tels que les définit la Siyâsa shar’iyya » (Introduction au Traité de droit public, p. 36).
( https://www.maison-islam.com/articles/?p=292 )
Le journaliste Léopold Weiss écrit:
Les Wahhabites ne constituent certainement pas une secte séparée.
Car une « secte » présupposerait l’existence de certains articles de foi différents qui distingueraient ses adhérents de la grande masse des autres croyants.
Dans le wahhabisme, en effet, il n’y a pas: de doctrine particulière ; au contraire, ce mouvement fut une tentative de supprimer toutes les excroissances et doctrines rajoutées qui, au cours des siècles, s’étaient développées autour des enseignements originaux de l’Islam, et, de la sorte, de restaurer le message authentique du Prophète.
Il y eut certainement, dans cette attitude de clarté sans compromission, une grande tentative qui aurait pu libérer l’Islam de toutes les superstitions qui l’avaient obscurci. Et tous les mouvements de renaissance dans l’Islam moderne – le mouvement Ahl-i-Hadith en lnde, le mouvement Senoussi en Afrique du Nord, l’œuvre de Jamal ad-Din al-Afghani et celle de l’Egyptien Muhammad Abduh – procèdent directement de l’élan spirituel donné au XVIIIe siècle par Muhammad ibn Abd al-Wahhab. Mais le développement de son enseignement dans le Nadjd a souffert de deux défauts qui l’ont empêché de devenir une plus grande force spirituelle.
L’un de ces défauts est l’étroitesse avec laquelle il limite presque tous les efforts religieux à une observation littérale des prescriptions, négligeant la nécessite d’en pénétrer le contenu spirituel.
L’autre défaut tient au caractère arabe lui-même et notamment à cette tendance à l’intolérance et a l’autosatisfaction ne reconnaissant a personne le droit d’être d’un avis diffèrent ; c’est une attitude aussi caractéristique du véritable Sémite que l’est son exact oppose, le relâchement en matière de foi.
Il est tragique de voir que les Arabes doivent toujours osciller entre ces deux pôles et ne sont jamais capables de trouver le juste milieu. Autrefois – il y a quelque deux siècles – les Arabes du Nadjd étaient intérieurement plus éloignés de l’Islam qu’aucun autre peuple du monde musulman.
Mais depuis Muhammad ibn Abd al-Wahhab, ils se sont regardés eux-mêmes non seulement comme les champions de la foi, mais presque comme ses seuls détenteurs.
Le sens spirituel du wahhabisme – aspiration a un renouveau intérieur de la société musulmane – commença de se corrompre presque au même moment où son objectif extérieur – instauration d’un pouvoir social et politique – était atteint avec l’établissement du royaume saoudite a la fin du XVIIIe siècle et son expansion sur la plus grande partie de l’Arabie au début du XIXe.
Dès que les disciples de Muhammad ibn al-Wahhab eurent installe leur pouvoir, l’idée qui était à la base du mouvement se momifia. Car l’esprit ne peut pas être le serviteur du pouvoir et le pouvoir n’aime pas être le serviteur de l’esprit.
L’histoire du Nadjd wahhabite est celle d’une idée religieuse qui s’éleva d’abord sur les ailes de l’enthousiasme et de la ferveur puis tomba ensuite dans les basses terres de l’autosatisfaction pharisaïque, car toute vertu se détruit elle-même dès qu’elle cesse d’être sincérité et humilité : Harut et Marut ! »
Mohammed Asad,Le chemin de la Mecque,pages 150-151
Le savant hanafite indien dont nous avons parlé plus haut, Cheikh Khalîl Ahmad Sahâranpûrî, avait lui aussi, après s’être installé à Médine, eu l’occasion de rencontrer, de discuter et d’échanger des idées avec Cheikh Abdullâh ibn Bulayhid, un autre savant adepte des enseignements de Ibn ‘Abd il-Wahhâb. Il le décrivit comme un « grand savant en sciences religieuses », « adhérant entièrement aux croyances de l’orthodoxie sunnite ».
( https://www.maison-islam.com/articles/?p=292 )
– Aïssam Aït-Yahya écrit, dans son livre consacré au Wahhabisme : « Concernant le cheikh Muhammad ibn ‘Abdil-Wahhab, il est difficile de ne pas témoigner qu’il fut avant tout un théologien militant et prédicateur profondément convaincu et convainquant de la justesse de sa mission. L’honnêteté et l’intégrité de son travail pour restaurer des points élémentaires de doctrine ne peuvent pas être contestées. On peut même énoncer que sa rigidité apparente vis-à-vis des théologiens conformistes et traditionnels fut dictée par les circonstances et la profonde animosité que les notables du Nejd éprouvaient pour lui et surtout pour son message. Son intransigeance était en réalité proportionnelle à l’hostilité ambiante qu’il percevait à son égard. Les fondements de la prédication du cheikh Muhammad ibn ‘Abdil-Wahhâb bouleversaient les structures sociales et politiques du Nejd, dans lequel émirs et shuyûkh tiraient profit d’un système qui les avantageaient » (Textes et contexte du Wahhabisme, 2015, Nawa, p. 190).
Ayant cité tout au long de son livre de nombreux passages de Ad-Durar us-saniyya, recueil des épîtres de cheikh Muhammad ibn ‘Abd il-Wahhâb ainsi que de ses successeurs (les imams postérieurs de la da’wa wahhabite), épîtres écrites en interaction avec les évolutions du contexte, Aït-Yahya poursuit : « Par contre, concernant les enfants et petits-enfants du cheikh Ibn ‘Abdi-Wahhâb, héritiers directs de sa da’wa, les choses sont tout autres. Le choc avec les Ottomans est frontal, le combat est acharné, il a lieu sur le terrain militaire et sur le plan idéologique. Les faits parlent d’eux-mêmes et les fatwas des imams de la da’wa sont très explicites, sans détails et sans nuances : l’Etat ottoman et ses alliés sont des mécréants apostats, qui méritent hostilité et haine, et tout contact avec eux doit être rompu. De plus, et c’est sûrement le plus problématique : ils considéraient que tous ceux qui doutaient de ce verdict, ou refusaient de prononcer cet anathème, ou vivaient parmi [les Ottomans ou leur alliés] sans leur témoigner l’inimitié qu’ils méritaient, et sans aucune excuse valable, encouraient exactement le même jugement qu’eux [= « mécréants »]. (…) [Ces imams postérieurs de la da’wa wahhabite] ont bel et bien étendu le takfîr à des cas discutables, dont toutes les nuances et les subtilités ont été réduites au maximum pour devenir un fondement obligatoire de la religion, sans lequel l’islam et la foi ne peuvent pas être valides selon eux. Même si nous inscrivons cela dans le contexte du traumatisme de l’après-Dir’iya, ou celui des multiples ingérences turco-égyptiennes mettant en péril le succès du wahhabisme dans le Nejd, il est assez difficile de ne pas juger comme « extrémistes » certaines positions et déclarations de [ce]s imams de la da’wa nejdite. En effet, comment ne pas qualifier ainsi l’avis considérant mécréant-apostat le simple musulman sunnite lambda du milieu du XIXè siècles, ayant reçu une éducation religieuse sommaire, et qui, détenant la certitude de vivre sous le règne d’un califat musulman, lui reste loyal et rejette l’avis nejdite wahhabite sur cet Etat, ou qui considérait les Wahhabites comme étant des « khawârij » conformément à ce qu’en disaient la plupart des oulémas de Damas, de Bagdad ou du Caire ? » (Ibid., pp. 193-194).