La culture coloniale
Albert Sarraut, ministre des colonies souligne la nécessité en de dispenser un savoir colonial auprès de tous les français « il est absolument indispensable qu’une propagande méthodique, sérieuse, constante, par la parole et par l’image, le journal, la conférence, le film, l’exposition, puisse agir dans notre pays sur l’adulte et l’enfant.
Nous devons améliorer et élargir dans nos écoles primaires, nos collèges, nos lycées, l’enseignement trop succinct qui leur est donné sur notre histoire et la composition de notre domaine colonial.
Il faut que cet enseignement soit plus vivant et amusent le jeune français ignorant de nos colonies. »
L’état prend alors le relais de la promotion de l’idée coloniale, marginalisant les adversaires de la colonisation.
L’école républicaine joue ainsi un rôle majeur, ancrant profondément dans les consciences la certitude de la supériorité du système coloniale, démocratisant la culture coloniale.
Le cinema, les zoo, l’image…contribuent à élaborer un imaginaire social par lequel les colonies devienne patrimoine commun.
Les politiques de tout bord sont unis sur la question coloniale, lors de l’exposition coloniale de Vincennes en 1932, l’union nationale déclare « la France est une puissance coloniale, être anticolonial c’est être antifrançais. »
La propagande d’état fait du colonialisme non plus un fait mais une culture populaire, la colonie fait partie de la geste républicaine.
Les rues, les villes, les expositions, les publicités, la musique, la littérature, le cinéma, l’économie, la politique…tout est imprégné par la présence du « colonial ».
Le thème colonial est à la mode, pas un support, pas un média, pas une année sans que les colonies en soit son thème.
La France devient une école de formation au colonialisme, une conquête permanente au nom des valeurs universalistes, la France a désormais une mission civilisatrice, la colonisation est un idéal humanitaire.
Jules Ferry l’exprime clairement « les races supérieures ont un droit vis à vis des races inférieures…elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. »
Marc Frero écrit « en France, la tradition républicaine fait de notre pays celui qui incarne la révolution, la liberté, l’égalité, la fraternité, les droits de l’homme, la civilisation dans le cadre de l’expansion coloniale.
La tradition a considéré que puisque la France incarnait la république et ses vertus, le monde tournait les yeux vers elle, qui non seulement avait une grande histoire mais en plus avait révolutionné le monde…ceux qui n’étaient pas français ne pouvaient que souhaiter le devenir, c’est pour cela qu’aux colonisés, par exemple l’Algérie, on distribuait la nationalité française seulement au compte-gouttes comme une récompense suprême. »
« la colonie préconise aux indigènes d’évoluer, de se civiliser, mais point trop n’en faut: l’adhésion aux valeurs républicaines d’égalité et de fraternité ne saurait combler le gouffre entre les cultures.
L’évolué des fils coloniaux n’est jamais adulte par exemple, la mise à distance entre colon et colonisé est toujours maintenue, la phobie du mélange dénote la faillite de l’assimilation coloniale.
Les origines coloniales de la France
Les républicains menacés par les monarchistes ainsi que la droite conservatrice et les mouvements sociaux issu de la première révolution industrielle ont besoin de créer un idéal transcendant les clivages politiques.
De plus le contexte des disparités culturelles régionales constituent un obstacle à la consolidation d’un état nation républicain.
C’est anis que l’idéal colonial, deviendra l’utopie civilisatrice prêchée par la république et véhiculé par les médias de masse pour être retenu par le plus grand nombre .
Les républicains fragilisés et menacés par un possible retour de la monarchie, tentent de créer une unité nationale avec la culture coloniale.
Obsédé par sa fragilité, la stratégie idéologique des républicains est de récupérer pour leur compte l’idée de nation, d’unité nationale et de créer les valeurs politiques transcendantes a même de mobiliser autour du pouvoir la plus large partie de la société.
Ainsi l’idéologie des lumières peut se propager dans toutes les régions françaises comme un socle de valeurs communes, valeurs nécessaires à la mission civilisatrices de la France, la propagande coloniale permet alors de rassembler les régions disparates et d’affaiblir la menace politique des opposants aux républicains.
Ainsi l’idée que la France ne sera la France que lorsqu’elle aura parachevé son œuvre d’uniformisation des citoyens et du territoire, à l’instar des races inférieures issues des colonies.
D’ailleurs pour illustrer cette différence entre races supérieures et inférieures, le dictionnaire Larousse de 1865 définit le mot « nègre » : « c’est en vain que quelques philanthropes ont essayé de prouver que l’espèce nègre est aussi intelligente que l’espèce blanche. Quelques rares exemples ne suffisent point pour prouver l’existence chez eux de grandes facultés intellectuelles.
Un fait incontestable et qui domine tous les autres, c’est qu’ils ont le cerveau plus rétréci, plus léger et moins volumineux que celui de l’espèce blanche et comme, dans toute série animale, l’intelligence est en raison directe des dimensions du cerveau, du nombre et de la profondeur des circonvolutions, ce fait suffit pour prouver la supériorité de l’espèce blanche sur l’espèce noire. »
Ainsi les régions s’inscrivent dans le concept d’assimilation portés par les républicains, le processus d’absorption des régions par la nation est en marche, guidé par la culture coloniale et sa mission civilisatrice qui ne peut se réaliser que par une nation forte et non par un pays fragmenté.
En parallèle, les milieux économiques sont convaincus du bien fondé de cette mission civilisatrice, susceptible d’apporter à la France les matières premières indispensables à son industrialisation, mais aussi de pouvoir vendre dans les colonies les invendus de la métropole.
Culture coloniale et anticolonialisme
L’anticolonialisme de gauche s’inscrit dans la critique de l’église, de l’état et de l’armée, mais ne remet pas pour autant en cause le dogme de la supériorité de la civilisation européenne.
L’anticolonialisme va être étouffé après la première guerre mondiale par la culture coloniale dominante.
La droite totalement gagnée par la mission civilisatrice, la gauche radicale va faire du thème de la colonisation son thème centrale, dénonçant l’entreprise coloniale.
Excepté la gauche radicale, l’anticolonialisme devient marginal.
Consensus colonial et union nationale
Afin de créer un consensus sur la question coloniale, des indications pédagogiques destinés aux instituteurs indiquent que l’enseignement géographique doit donner lieu à l’étude de l’empire colonial français, la vie économique du pays se jouant dans les colonies, les petits français doivent connaître les ressources des terres immenses sur lesquelles flotte le drapeau.
La thématique coloniale est aussi omniprésente dans la presse enfantine, la bande dessinée (Tintin au congo) où les livres de lecture.
L’utopie coloniale est enseignée partout mais n’a peu de liens avec la réalité coloniale.
Cette culture coloniale permet de renvoyer le français à ses désirs de puissance en occultant la réalité terrible de la colonisation.
Cette culture dévastatrice élabore une figure de l’autre, désigné comme un sauvage, assimilé à un animal, que les zoos humains entretiendront.
L’indigène au cœur de la culture coloniale
L’invention de l’indigène consacre la transformation du colonisé devenue centrale dans l’imaginaire collectif, l’image du dominé commence avec celle de l’esclave au 17ème siècle pour évoluer vers l’immigré type, 3 siècles plus tard.
Trois figures de l’indigène au service de la mère patrie semblent alors s’imposer: celle du tirailleur « noir » dont la sauvagerie est retournée contre plus barbare que lui « le boche », la bravoure et la puissance physique sont mise au service de la France, celui du cavalier maghrébin, perpétuant la tradition du valeureux guerrier arabe, mais qui fixe définitivement sa perception et les craintes qu’il inspire (islam) dans un champs étroits du politique et enfin celle de l’Indochinois perçu comme un piètre combattant, cantonné au rôle de main d’œuvre industrielle importée et supplétive.
Au premier champ, le corporel, au deuxième le politique et au dernier l’espace économique et l’invisibilité.
1931 ou l’acmé de la culture coloniale
Le point d’orgue de l’apogée de la culture coloniale est l’exposition de Vincennes, la plus grande exposition républicaine du siècle, l’école et les médias ont préparé les français à cette apologie coloniale, enseignant la vision idéalisée du « devoir » de la France à coloniser.
Être pour l’épopée coloniale c’est être un bon français, c’est soutenir la grandeur de la France, être colonial c’est être français!
Ces croyances deviennent des dogmes quand elles sont professées par l’instituteur et deviennent réalité dans les allées de Vincennes.
La colonisation est devenue un motif de fierté dans l’entre-deux-guerres, elle devient une référence pour démontrer les avancées concrètes de l’idéologie républicaine coloniale.
Partie 1
Imprégnation d’une culture (1871-1914)
Les zoos humains permettent de justifier la mise à distance irréductible de l’autre par sa simple vision: les sauvages existent je les ai vus au zoo.
Le principe même de mettre des êtres humains dans un endroit destiné à accueillir des animaux entretient le rapport de domination coloniale.
Voir l’indigène de derrière des grillages, justifie le pouvoir de l’homme occidental.
L’analyse morphometrique devient la preuve rationnelle de la différence, rendant normal l’acte de colonisation, puisqu’il se présente comme un acte de civilisation.
Ainsi la communication à la société d’anthropologie de Paris proposée par Broca en 1861, concernant les poids des cerveaux blancs et des noirs, qui indique un écart de poids, lui permet de justifier une hiérarchie raciale et donc la mise sous tutelle coloniale.
A partir de là, l’anthropologie devient une science coloniale au sens politique du terme car elle légitime par l’étude, l’acte de domination.
Réussite coloniale et fraternité
A côté du sauvage, la propagande développe l’image de l’africain domestiqué et acquis à la cause, autrement dit le bon tirailleur, devenu placide et démontrant les bienfaits de la colonisation.
Assagi, discipliné, le colonisé devient un frère qui a une dette vis à vis de son maître français et viendra le défendre contre ses agresseurs.
La sauvagerie et l’animalité que l’on prêtait à ces peuples justifiaient la conquête, les récits de la conquête permettaient de faire des colons des héros d’une vaste épopée, puis pour montrer la réussite de la conquête on présentait le noir devenu soldat qui avait muté d’un état animal à un état d’homme civilisé grâce à la civilisation que lui a apporté le blanc.