L’humanisme raciste

Le colonialisme, écrit-il, « est notre honte, il se moque de nos lois ou les caricature ; il nous infecte de son racisme […] il oblige nos jeunes gens à mourir malgré eux pour les principes nazis que nous combattions il y a dix ans ; il tente de se défendre en suscitant un fascisme jusque chez nous, en France. Notre rôle, c’est de l’aider à mourir. Non seulement en Algérie, mais partout où il existe. Les gens qui parlent d’abandon sont des imbéciles : il n’y a pas à abandonner ce que nous n’avons jamais possédé. Il s’agit tout au contraire de construire avec les Algériens des relations nouvelles entre une France libre et une Algérie libérée. » L’appartement de Sartre sera à deux reprises plastiqué par l’Organisation de l’armée secrète (OAS)…

Lecteur de Césaire, Fanon, Memmi, Sartre comprend que le système colonial n’a pas seulement créé des colonisés, qu’il a aliénés, mais qu’il a dans un même mouvement façonné un colonisateur qui s’est déshumanisé en refusant de reconnaître l’humanité de l’autre. Notre humanisme, écrit-il dans la préface aux Damnés de la Terre, « n’était qu’une idéologie menteuse, l’exquise justification du pillage ; ses tendresses et sa préciosité cautionnaient nos agressions » ; il s’agit d’un « humanisme raciste puisque l’Européen n’a pu se faire homme qu’en fabriquant des esclaves et des monstres » ; et d’ajouter : « Nous sommes les ennemis du genre humain. »

https://histoirecoloniale.net/Jean-Paul-Sartre-et-l-Afrique-decoloniser-l-esprit-par-Severine-Kodjo-Grandvaux.html