Histoire de l’Algérie coloniale

Depuis le début du XVIe siècle la régence d’Alger était rattachée à l’empire Ottoman et avait établit ses frontières à l’est de la régence de Tunis et à l’ouest du royaume du Maroc.

En 1830 le gouvernement est dirigé par le dey, un homme issu de la milice des janissaires, il était installé à la casbah.

La régence est divisée en 4 provinces, les hautes charges sont le privilège des turcs.

Le pays est habité par les arabes, les berbères et les maures (musulmans et juifs originaires d’Andalousie) ainsi que d’étrangers venus des ports de la Méditerranée.

Alger est développé quant au reste du pays son développement est plus lent.

Malgré la situation générale difficile rien ne pouvait présager la fin du règne turc à la tête de la régence d’Alger quand l’affaire du coup d’éventail éclata entre le dey Hussein et le consul français pierre deval le 28/04/1827.

Trois ans plus tard, l’expédition française mit fin à trois siècles d’occupation turque.

L’expédition d’Alger en 1830:

A l’origine du différend entre la France du roi Charles X et le dey d’Alger, soutenu par l’Angleterre, se trouvait une livraison de blé sur laquelle pesait une affaire de créance de marchands juifs.

Hussein Fey reprochait à la France de na pas honorer cette créance et le 27/04/1827 il perdit patience, au cours d’un entretien avec le consul de France à Alger, il le frappa avec une chasse-mouches, après avoir été provoqué par celui ci.

La France saisit ce prétexte pour décréter le blocus de la côte algérienne.

Elle qui cherchait à concurrencer l’Angleterre en Méditerranée et à supplanter l’empire Ottoman vieillissant, ce banal incident se transforma en expédition militaire.

Le 18/05/1830, Charles X dirigea une expédition sur Alger depuis Toulon, à la tête de 103 navires de guerre et de 350 bateaux transportant 40 000 soldats.

Fragilisé en France pour son souhait de rétablir une monarchie du droit divin, Charles X qui espérait qu’une victoire militaire pourrait le rétablir, il ne réussit pas pour autant à rétablir son régime.

Du 26 au 30 juillet eut lieu une insurrection des parisiens (la révolution de juillet) qui provoqua sa chute et l’avènement de Louis Philippe à la tête d’une monarchie parlementaire et libérale.

A ces raisons politiques s’ajoutait une raison économique, les milieux d’affaires des ports de Marseille et Toulon cherchaient à trouver un substitut au commerce en déclin avec le levant- ces ports ainsi que celui de Sète profiteraient pleinement du commerce avec l’Algérie.

C’est ainsi que le nouveau régime de Louis-Philippe hérita de l’Algerie conquise par Charles X.

La régime turc s’effondra rapidement, le dey d’Alger capitula et fut expulsé, les trois beys de Constantine, Oran et Titteri ne se regroupèrent pas face à l’envahisseur.

La France fut confrontée à un peuple sans état, mais résolu à résister.

La violence de la conquête poussa les habitants à fuir les villes, qui étaient ensuite ravagées, en 1846, Bougie n’abritait plus que 3 familles arabes, une centaine de civils européens et un bataillon en garnison contre plusieurs milliers d’habitants en 1830.

La vive résistance du peuple fit hésiter le gouvernement français à continuer sa conquête, en 1839, après une conquête partielle de l’Algérie, la France décida une occupation totale.

La résistance de l’émir Abdelkader:

Abdelkader avait retenu d’un séjour en Égypte les efforts d’unification territoriale et de développement du vice-roi Mehemet Ali.

Il tenta de contenir l’occupant sur le littoral, il s’efforça de construire les bases d’un état centralisé, il rassembla les tribus et lutta contre les tribus dissidentes, il dota son émirat d’une fiscalité, il fit frapper sa monnaie.

Il organisa une armée de 15 000 hommes, il se déplaçait avec sa smala et avec sa mobilité il défiait les français, il gouverna au moyen de la justice coranique.

Il lutta contre l’occupant jusqu’au 21/12/1847 où il se rendit en échange d’une promesse de refuge en Syrie.

La France trouva en effet des alliés parmi les tribus dissidentes qui luttèrent à leur côté contre Abdelkader et ses hommes, sa défaite fut le fait d’une guerre totale, de la supériorité de l’armement mais surtout de ces alliances avec les tribus dissidentes qui cherchaient à conservées leurs privilèges.

La guerre totale de l’armée française

La résistance des algériens n’étaient pas celle d’une armée professionnelle mais de paysan, de berger ou d’artisan décédé leur terre, leur religion et leur famille.

A l’exception de l’émir Abdelkader, ces résistants combattaient autour de chez eux, malgré leur bravoure qui faisait l’admiration de l’ennemi, ils n’étaient pas assez puissant face à une armée régulière, seul Abdelkader se distinguait par sa logistique et son harcèlement constant de l’armée française.

Pour contenir la résistance, la France augmenta ses effectifs, de 37 000 en 1830, ils passèrent à 100 000 en 1846.

C’est cette supériorité qui permit la conquête.

Afin de briser toutes résistances, l’armée française pratiqua une guerre totale aux méthodes effroyables, n’hésitant pas à allumer un brasier à l’entrée d’un caverne où la tribu des ouled Riah s’était réfugiée par exemple, provoquant la mort de 700 personnes.

A la réédition de l’émir Abdelkader en 1847, il ne manquait que la grande Kabylie à conquérir, celle ci dura 7 ans, l’Algérie conquis n’était pas pour autant pacifiée mais permit à la colonisation de se déployer.

La IIe République (1848-1851):

En 1848 la constitution de la 2nde république fait de l’Algérie un territoire français, doté de département, de communes…

Le second empire (1852-1870), un royaume « arabe » fondateur

Napoléon III décida en 1863 la politique du « royaume arabe », celle ci définissait l’indigène musulman et l’indigène israélite comme français mais possédant un statut propre (la charia et la loi talmudique), l’assimilation par la naturalisation permettait aux indigènes d’accéder à la pleine nationalité française en abandonnant leurs statuts personnels.

En 1870 le décret crémieux déclara les juifs citoyens français, résultat de l’action des militants de l’émancipation des juifs de tout statut discriminant.

La société algérienne à l’épreuve de la colonisation :

Plus d’un million d’algériens disparurent au cours de ces années terribles, les colons exproprièrent les habitants, des vague d’immigration européenne vinrent s’installer et déposséder la population de leurs biens, engendrant famine et baisse du niveau de vie.

1871-1881 d’une insurrection a l’autre:

La résistance algérienne mobilisa durant cette période des milliers de combattants, les révoltes furent durement réprimées.

Le 15/03/1871, la Kabylie se soulève suite à l’appel du bachaga Mohammed El Mokrani, assisté du cheikh El Haddad qui lance un appel au jihad le 08/04/1871 mobilisant ainsi les tribus au delà de la Kabylie grâce à la mobilisation des zawiyas qui se firent écho de son appel.

L’insurrection dura 6 mois et fut sévèrement réprimée.

A chaque fois qu’une révolte était réprimée, une autre voyait le jour ailleurs, comme en mai 1881 sous la direction de Mohammed Ben El Arbi dit « Bou Amama », qui remporta plusieurs affrontements mais fut contraint de se replier le 05/11/1881 en territoire marocain.

D’une résistance à l’autre durant près d’un demi-siècle les algériens se sont battus sans relâche contre la présence française.

Conquérir et coloniser

La politique d’occupation restreinte fut abandonné au profit de celle d’occupation absolue en occupant l’intérieur du pays, en massacrant systématiquement la population remplacé par des populations venus d’Europe afin de faire de l’Algérie une colonie « de peuplement », le mot d’ordre était « il faut faire la guerre aux arabes », « tuer tous les hommes jusqu’à 15 ans, prendre toutes les femmes et les enfants, les envoyer aux îles marquises ou ailleurs, en un mot anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens. »

Afin de se protéger de toutes révoltes, les troupes françaises brûlaient les récoltes, abattaient les arbres fruitiers…dans le but de détruire l’économie locale susceptible d’aluminium la résistance.

La terreur devint l’arme principale de l’armée: assassinats, viols, enlèvements.., l’objectif étant de faire naître un sentiment de terreur pour rendre la population docile.

Extermination, saisie et confiscation des biens, remplacement de la population par des immigrés venus d’Europe qui pouvait gagner la nationalité française en 3 ans contre 10 sur le territoire français et bénéficier des richesses qui étaient confisqués aux locaux.

Tous n’étaient pas exterminés, les colonisateurs mirent en place des bureaux arabe sous leur autorité, avec des dirigeants algériens locaux servant les intérêts de la France, la violence était la relation de base avec les Algériens qui une fois résiliés à la défaite devaient absorber les mœurs et coutumes françaises et servir les intérêts de Paris.

Les colons avant la IIIe République:

A partir de 1850 les colons français deviennent majoritaires alors qu’avant la majorité était espagnols, anglais…ce qui suscitait l’inquiétude du gouvernement français qui n’hésitait pas à dire « tous les vagabonds que l’Espagne, l’Italie et surtout malte ont vomis sur ces côtes. »

Malgré que les français soient devenus majoritaires, les étrangers continuaient de représenter 40% des colons malgré les efforts mis en place par le gouvernement pour pousser les français à l’émigration.

Les autorités recherchaient des colons ruraux pouvant cultiver le sol algérien mais la plupart des immigrés européens étaient des paysans pauvres, des ouvriers, des artisans, tous inadaptés à la vie agricole.

Ce qui faisaient craindre aux autorités que ces classes moyennes dilapident leurs économies et deviennent une charge pour l’état.

Pour accélérer le peuplement de l’Algérie, le voyage en bateau était offert aux candidats à l’exil, la plupart d’entre eux quittaient la France pour des raisons économiques liées aux crises industrielles que traversaient alors la France.

Les opposants politiques étaient contraints à un exil forcé.

Les algériens dépossédés de leurs biens, les colons pouvaient alors espérer faire fortune dans cette nouvelle terre.

L’Algérie de 1830:

Au début du 16e siècle face à l’avancée des espagnols qui contrôlent ou menacent les principaux ports algériens, les dirigeants d’Alger font appel aux corsaires turcs, les frères barberousses, qui s’emparent du pouvoir en 1516 et arrivent à l’étendre grâce au soutien des mouvements religieux mobilisés massivement contre les espagnols.

Fin octobre 1519 à l’initiative de khayreddine alors sultan d’Alger, une assemblée composée de oulémas et de notables algérois envoient une délégation au sultan soliman le magnifique pour rattacher l’Algérie à l’empire Ottoman.

Après cinq décennies de luttes, l’état d’Alger met fin à la présence espagnole, désormais cantonnée à Oran et Mers-el-kébir.

Progressivement un noyau gouvernemental se met en place, le Dey est le chef du pouvoir exécutif, depuis Alger le reste du pays est administré par trois beys de l’est, de l’ouest et du Titteri.

Dans la dernière décennie de ce siècle, les besoins pressants de la France en céréales coïncident avec des récoltes exceptionnellement abondantes en Algérie.

Des dettes françaises impayées et des escroqueries envers le dey vont devenir le prétexte pour déclencher une guerre de conquête qui coûtera au peuple algérien le tiers de sa population.

Les résistances à la conquête 1830-1880

Le principal facteur de mobilisation est l’islam, qui dépasse les intérêts locaux, vient ensuite le sentiment national et le refus d’être colonisé.

Après de nombreuses révoltes réprimées dans le sang, au printemps 1871, le pays s’embrase de nouveau, des portes d’Alger à la frontière algéro-tunisienne et du littoral à la ligne biskra-bousaada dans le sud alors que le sud-Ouest est en insurrection depuis 1864.

Côté français 80 000 sont mobilisés face à 800 000 algériens.

Au départ ce rapport de force est favorable aux insurgés mais épaulés par les milices d’autodéfense, les colons finissent par les colons finissent par reprendre le contrôle, les insurgés sont tués ou exilés au bagne en nouvelle Calédonie.

Les populations insurgés sont sanctionnées par de lourdes taxes et la dépossession de leurs biens.

La Kabylie entre 1839 et 1871: construction identitaire et répression coloniale

La division grande et petite Kabylie fut opérée pendant la colonisation par l’administration coloniale, suivant une vision politique ancienne.

Depuis le XVe siècle, deux royaumes kabyles existaient: celui de Koukou (de Djudjura aux portes d’Alger) et celui des Aït Abbes ( qui comprend Bougie et sa région jusqu’à Hodna et aux portes du désert).

Depuis l’Antiquité les populations de la Kabylie de Koukou contrôlait l’axe Alger-Constantine et durant toute la période Ottomane, les turcs devaient négocier leur passage.

Entre 1840 et 1870, la Kabylie affronta une série de catastrophes: sécheresses, invasions de sauterelles, froid sibérien, inondations, choléra et variole qui décimèrent les troupeaux, les récoltes et les populations.

En 1871 les kabylies s’insurgent contre les colons, dirigés par El Mokrani et le cheikh El Haddad.

L’insurrection justifiera la politique de dépossession déjà entamée ainsi que la guerre sanglante contre les villageois.

La résistance d’Hadj Ahmed Bey, dernier Bey de Constantine

Dernier Bey des 48 que connut le beylik Ottoman de l’est Algérien.

Né en 1784 à Constantine, fidèle serviteur de la régence ottomane en Algérie, grande figure de la résistance à l’occupation française.

Pendant 7 ans il réussit à maintenir l’Est du pays hors de portée de la domination du colonisateur.

Très jeune il fait le pèlerinage à la Mecque, il séjourne dans l’Égypte de Mehmet Ali.

Petit fils d’un turc de la seconde génération, sa mère et sa grand mère paternelle étaient du pays.

Il est nommé Bey en 1826, il commande une garnison de janissaires et assure la sécurité du territoire.

En juillet 1830, il participe à la bataille autour d’Alger.

La capitulation d’Hussein Dey le décide à défendre la régence à partir de Constantine.

Il réorganisa son armée, se dota d’un drapeau orné d’un sabre sur fond rouge.

Entre 1830 et 1837 il fait frapper la monnaie de type Ottoman, ce qui lui permet de supporter la concurrence et de rester sur les marchés bien après la prise de la ville de Constantine en 1837.

Il refusa tout compromis avec les français jusqu’à ce qu’il fut contraint à la reddition le 05/06/1848 en échange de la promesse d’un asile en terre d’Islam.

Il meurt en 1850 à Alger alors qu’il y était placé en résidence surveillée.

Fadhma N’Soumeur

Née au cœur d’une Kabylie pas encore occupée, mais qui était déjà touchée, elle participa à la lutte contre l’avancée de l’armée coloniale, aux côtés de son père Si Tayeb, chef religieux local et de ses quatre frères.

De 1854 à 1857, c’est le cœur de la Kabylie qui a résisté.

La jeune femme participe alors à la lutte, elle participe au combat, fait reculer l’envahisseur, elle marque alors son époque, jusqu’au 11/07/1857 où elle est capturée.

Elle dira au maréchal Jacques Louis Randon, vainqueur de la campagne, « tes soldats ont quitté leurs rangs pour pénétrer dans mon village. Les miens se sont défendus. Je suis captive. Je ne te reproche rien; tu ne dois rien me reprocher. C’était écrit. »

Elle est enfermée avec d’autres femmes résistantes et meurt à 33 ans.

Louis Massignon ira jusqu’a la comparer à Jeanne d’arc.

Fadhma avait mémorisé le Coran en l’écoutant réciter par son père et ses élèves, cachée derrière la porte.

Parmi les discriminations coloniales

En même temps que la France percevait la zakat des algériens, elle refusait de dépenser pour la scolarisation des « indigènes », l’accès à l’éducation faisait craindre en même temps la possibilité d’un renversement .

Les algériens également n’étaient pas favorables à la scolarisation de leurs enfants car ils percevaient cela comme une entreprise de dépersonnalisation, ils préféraient le système d’enseignement Coranique.

Parmi les mesures arbitraires et les discriminations coloniales le changement de patronyme, l’administration coloniale imposait aux « indigènes » de nouveaux patronymes arabes aux consonances vulgaires et obscènes.

Le rôle clé « des adjoints indigènes »

Pour le colon il s’agissait d’ériger un relais auprès des indigènes par l’autorité de grandes familles, ces familles pouvaient ainsi maintenir leur rang.

Ces adjoints « indigènes » relayaient les administrateurs, ils assuraient véritablement l’interface avec l’autorité française.

Ils s’occupaient de la perception des impôts et des amendes et surveillaient les populations.

Leur position facilitait leur enrichissement personnel, obtenant toutes sortes de cadeaux ainsi que des sommes d’argent pour s’attirer leurs faveurs ou acheter leur silence.

Les migrations européennes vers l’Algérie au début de la IIIe République

Après la colonisation d’occupation et la colonisation économique, voici la phase moderne: « le peuplement national ».

L’Algérie ne jouissant pas d’une bonne réputation, les français qui y émigraient étaient moins nombreux que les espagnols, italiens ou portugais qui profitaient de cette opportunité pour obtenir la nationalité français plus rapidement que si ils s’installaient en métropole.

Le code l’indigénat

Il représente l’abomination coloniale, il dérogeait aux principes républicains, soumettant les sujets coloniaux à une répression particulière les privant des garanties du droit commun.

Ce régime de sanctions spécifiques comprenait des amendes collectives, la dépossession de ses biens et l’internement administratif.

Dans les années 1890, on l’appelait le « monstre juridique ».

Pour illustrer cette juridiction, un homme s’obstina à labourer une parcelle de terre qui lui avait été retirée, il écopa de 7 peines, du s’acquitter de 125 francs d’amendes et fut emprisonné 39 jours.

Les « adjoints indigènes » étaient chargés de faire respecter ce code juridique.

Les adjoints indigènes étaient composés d’un premier échelon; les caïds, le deuxième: les aghas et le troisième les bachagas.

Ces bureaux arabes chargés de faire appliquer le code de l’indigénat n’hésitaient pas à recourir aux exécutions sommaires.

L’Algérie coloniale ou la confrontation inaugurale de la laïcité avec l’islam

La promulgation de 09/12/1905 de la loi de séparation des églises et de l’état fut présenté comme le couronnement d’une laïcisation amorcée aux débuts de la IIIe République.

Or, non seulement la loi a subi des modifications destinées notamment à rallier l’église catholique mais elle a de surcroît exclu des territoires de son champ d’application.

L’Algérie coloniale présente une triple singularité: elle fut le premier territoire de l’empire colonial à se voir appliquer la loi sur la séparation des églises et de l’état; le seul majoritairement peuplé de musulmans visé par ce dispositif législatif et par conséquent celui ou l’écart entre les principes laïcs et le droit des cultes mis en œuvre fut le plus grand.

A la suite de la conquête de l’Algérie, le général de Bourmont avait signé avec le Dey d’Alger une convention s’engageant à respecter le libre exercice de l’islam, mais en incorporant au domaine public des fondations pieuses (habous) qui servaient à financer les activités cultuelles, le colon se trouva engagé dans l’administration du culte musulman.

De plus la nécessité de contrôler le principal mode d’expression collective des colonisés accéléra la réforme des conditions d’exercice du culte musulman, afin de se prémunir d’une résistance collective sous la bannière de l’islam.

Entre 1830 et 1851 des décisions administratives furent prises quant à l’exercice du culte musulman, les biens affectés aux mosquées furent frappés de séquestre, le personne religieux (muftis, imams, muezzins) devinrent personnel de l’état colonial dans la catégorie « fonctionnaires du culte », afin de contrôler la formation des imams trois Madrassah furent créés en 1850.

Outre le contrôle exercé sur les lieux de culte, leur financement et le personnel religieux, toutes les manifestations collectives cultuels furent encadrées (pèlerinage, fêtes religieuses…)

En 1881 les services coloniaux restreignirent l’expression religieuse extérieure aux lieux de culte afin de consolider l’existence d’un islam officiel.

Alors qu’elles étaient à l’origine de révoltes jusqu’à la fin du XIXe siècle, les activités musulmanes limitées et soumises à autorisations ne purent plus jouer ce rôle fédérateur.

Ainsi la veille de l’adoption de la loi de 1905, un islam légitimiste avait pu être créé de toutes pièces par l’état colonial.

La loi de 1905 votée s’appliqua sur l’ensemble des territoires français a l’exception de l’Algérie, l’article 43 mentionnant que des règlements d’administrations publiques détermineront les conditions dans lesquelles la loi sera appliquant en Algérie.

Ces règlements d’administrations furent alors décidés entre l’administration algérienne, le ministère de l’intérieur et le conseil d’état de façon à préserver les intérêts français.

Le statut particulier de l’islam était en effet le principal obstacle à une pleine application de la loi en Algérie.

L’incapacité de l’islam à séparer le politique du religieux fut invoqué pour justifier ces adaptations, mais c’est surtout l’intérêt de conserver « le clergé officiel » et les mosquées dans le giron de l’administration qui fut déterminant.

Edmond Doutté n’hésita pas à présenter ces règlements comme l’une des œuvres les plus éminentes de la France en Algérie, il déclara « dans aucun état musulman, il n’y a de clergé aussi régulièrement constitué que le nôtre, entièrement dans notre main. »

Par ailleurs si l’influence de l’église catholique se trouvait réduite en métropole à la suite de l’adoption de la loi de séparation, il n’était pas dans l’intérêt du gouvernement qu’il en soit ainsi en Algérie, privée de financement public, l’église d’Algérie aurait vu son influence se réduire.

L’invention de l’indigène, français non citoyen

Dès le début de la conquête s’est posé la question du statut juridique des juifs et des musulmans, en annexant l’Algérie la France met fin à la sujétion Ottomane.

Mais faire des habitants de l’Algérie des français avec les droits afférents à cette nationalité rendrait impossible le projet de domination politique.

Pour autant les habitants colonisés sont français sans quoi cela reviendrait à nier toute idée de l’annexion.

La catégorie d’ indigène, ni français ni étranger a donc été forgée pour résoudre cette contradiction.

Le 22/07/1834, l’Algérie devient Française, en toute logique ses habitants devraient alors être français, puisque l’annexion du pays a supprimé toute autre nationalité.

L’acte de capitulation du 05/07/1830 reconnaît aux habitants le respect de leurs traditions, les musulmans restent ainsi sous la juridiction des cadis et les juifs sous les juridictions rabbiniques.

Les habitants européens quant à eux sont justiciables de la justice française.

La jurisprudence de 1862 précisera que les indigènes sont français de nationalité mais pas de citoyenneté, leur qualité de français n’entraîne pas la jouissance de tous les droits du citoyen français.

Le motif de ce refus à la citoyenneté est que les indigènes ont conservé leur statut personnel confessionnel.

En 1870, les juifs algériens deviennent citoyens français avec le décret Crémieux, qui leur reconnaît la citoyenneté moyennant leur soumission au code civil.

Ce décret est au départ refusé par les juifs qui sont hostiles à l’abandon du droit mosaïque, les administrateurs de la colonie s’y opposent également de manière virulente.

Les algériens et la guerre de 14-18

172 000 algériens furent engagés dans la guerre, l’élite des jeunes algériens tenta d’arracher aux colons des droits en échange de cet « impôt du sang », des promesses furent prodiguées en ce sens dès 1914.

En octobre 1914, les premiers départs en zone de guerre eurent lieu malgré la révolte d’une partie des algériens hostiles à la mobilisation de leurs enfants.

Les promesses faites par la France d’accorder en échange de ce sacrifice des droits permirent la mobilisation volontaire de certains algériens.

L’appel au jihad des Ottomans surnommés alors « les bochs de l’islam » au côté de l’Allemagne ainsi que leur promesse de libérer les algériens du joug des infidèles, contribua à troubler la situation.

Certains algériens voulaient s’allier au turc, d’autres rester en dehors du conflit et d’autres y participer afin d’obtenir les droits promis par la France en échange de leurs mobilisations.

En 1918, 25 711 algériens étaient morts, 72 035 blessés et 8779 invalides, les algériens se sentaient valorisés car sans eux et le matériel algérien la France n’aurait jamais gagné, pourtant en 1918 le colon reconduisit le code de l’indigénat malgré les promesses d’avant guerre; l’émir Khaled petit fils de l’émir Abdelkader protesta contre cette trahison mais la famine de 1920 enterra les revendications et le pouvoir de raidit et referma vite le chapitre des réformes indigènes tout comme il s’arrangea pour éloigner l’émir Khaled en l’exilant en Égypte.

La géographie ça sert à coloniser!

Aimé Césaire dans son « discours sur le colonialisme » dit des géographes qu’ils sont « les chiens de garde du colonialisme »

L’adhésion idéologique des géographes aux entreprises de domination impériale et leurs contributions aux projets de colonisation font des géographes « les chiens de garde du colonialisme ».

Leur rôle fut de contribuer aux processus de catégorisation des populations et des territoires, le déterminisme environnemental avait été mobilisé pour légitimer la domination européenne.

Ils furent également des informateurs locaux, la construction des savoirs géographiques répondait aux enjeux locaux impériaux, les géographes établirent leurs cartographies en fonction des ambitions politiques, fussent elles totalement contradictoires.

La politique coloniale à l’égard des femmes « musulmanes »

Une instrumentalisation politique du statut de la femme

Dès l’arrivée des français en Algérie, la question de la femme musulmane fascina, a travers les récits de voyage, la peinture, la photographie, les études sociologiques on peut constater que la femme occupe une place centrale dans le projet impérialiste.

Elle fait l’objet de fantasmes pour les hommes européens.