Nous connaissons actuellement des temps d’ignorance et de défiance mutuelle, après avoir vécu des temps d’harmonie et de vie commune d’une grande richesse.
Je souhaite par ces quelques lignes, rappeler cette histoire qui nous lie afin qu’elle puisse servir de repère et d’exemple à suivre pour les nouvelles générations.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, je souhaite éclaircir un point qui me semble important.
On parle souvent d’antisémitisme et on l’attribue à tord à l’islam et aux musulmans.
Beaucoup de musulmans au même titre que les juifs, sont d’origine « sémite », la tradition relate que Noé eut 3 enfants, l’un d’entre eux s’appelait Sem, les hébreux comme les arabes sont ses descendants, donc des sémites.
L’antisémitisme n’a pas d’origine musulmane, il est plutôt l’héritage des régimes nationalistes, qui ont vu dans le peuple juif un contre pouvoir, une cinquième colonne dangereuse, à éliminer,.
Cette haine du juif se propagea parmi les peuples et découla sur les génocides que l’on connaît.
Quant à l’anti-judaïsme, il n’est pas non plus d’origine musulmane, il provient du christianisme d’avant Vatican 2, qui tenait les juifs pour responsable de la « mort » de Jésus et faisait porter sur l’ensemble des juifs cette responsabilité ainsi que la malédiction divine.
Quant à nous, musulmans, le Coran nous demande de croire en tous les Prophètes et Livres révélés, nous honorons les Prophètes envoyés aux enfants d’Israel, autant que nous honorons Jésus et Muhammad.
Moïse est d’ailleurs cité dans le Coran plus souvent que Muhammad.
Le Coran nous enjoint le respect de l’homme quelle que soit sa religion et interdit de détruire les lieux de culte, tout comme il garantit à chacun sa liberté de culte et condamne le fait de contraindre quelqu’un à se convertir à l’islam.
Vous allez me dire, ce discours est bien naïf et purement théorique, la réalité prouve le contraire.
Pour appuyer mon propos et vous convaincre de la véracité de mon discours, je vous invite à faire avec moi, un retour dans le passé afin de découvrir une réalité trop souvent occultée mais dont l’histoire reste aujourd’hui et pour toujours un témoin: la vie des juifs en terre d’Islam.
Pour introduire mon propos, je commencerai avec quelques citations:
Claude Cahen écrit « l’islam médiéval n’a rien que l’on puisse appeler spécifiquement antisémitisme. »
Gobineau écrit « si l’on sépare la doctrine religieuse de la nécessité politique qui a souvent parlé et agit en son nom, il n’est pas de religion plus tolérante que l’islam. »
Hillel Ben Sasson, spécialiste de l’histoire juive écrit « la situation juridique des juifs et leur sécurité dans les pays musulmans étaient en général meilleurs que dans la chrétienté. »
Persécutés en Espagne, certains juifs avaient fuis en Turquie, l’un d’entre eux Isaac Sarfati écrivit à ses frères « je vous proclame que la Turquie est un pays où rien ne manque et où si vous le voulez, tout se passera bien pour vous. »
Le sultan Bayezid alors roi de Turquie ayant appris le mal que le roi d’Espagne faisait aux juifs, eut pitié d’eux et ordonna qu’on les accueille avec bienveillance.
Les historiens juifs ne cessent d’appeler la période de l’Espagne musulmane « âge d’or » car celle ci s’opposait à l’oppression dans laquelle il vivait dans la chrétienté.
Ils avaient à ce moment là, la liberté de pratiquer leur culte sans craindre de s’attirer la colère du clergé ou le châtiment du souverain.
Ils n’étaient pas exclus de toutes les fonctions, ni privés de dignité.
Ils étaient libres et estimés, possédant leurs propres écoles, développant de nombreuses sciences, alors que dans le reste de l’Europe ils subissaient l’oppression constante, étaient accusés de tous les maux, tantôt spoliés, tantôt expulsés, tantôt massacrés.
Ce qui n’exista jamais en terre d’Islam.
Samuel Ibn Nagrela était le vizir de Grenade, fait inimaginable dans le reste de l’Europe.
André Chouraqui dit « les juifs furent en définitive plus heureux en terre d’Islam que dans la plupart des pays d’Europe où ils furent réellement en butte à une haine implacable. »
Ce qui nous permet d’établir dit, Carl J.Friedrich, un contraste intéressant entre l’intolérance religieuse de la culture chrétienne occidentale et la tolérance de la culture musulmane.
Marc Cohen écrit « juifs et arabes ont cohabité dans la paix et l’harmonie sous l’autorité musulmane alors même que les juifs de la chrétienté étaient persécutés.
L’hostilité moderne a l’égard d’Israel date seulement du moment où les juifs mirent fin à cette ancienne harmonie en défendant les prétentions sionistes contre les droits des musulmans et des arabes sur la Palestine.
Par conséquent la haine des arabes disparaîtraient et l’harmonie ancienne serait retrouvés si le sionisme renonçait à son entreprise coloniale et sa nouvelle croisade. »
Loin de moi l’envie de faire de cette leçon d’histoire un discours politique, l’idée que je souhaite développer est que l’antisémitisme et l’anti-judaïsme n’existe pas en islam et que la tolérance de l’islam, l’harmonie dans ses relations avec les juifs a été mis à mal non pas à cause des textes fondateurs de l’islam mais à cause d’une rupture politique, le conflit israélo-palestinien.
C’est pourquoi il est impératif d’éduquer notre jeunesse et de susciter des occasions de dialogues afin que ce conflit d’ordre politique ne prenne pas une dimension religieuse, qui pousserait les uns et les autres à se retrancher et à nourrir les préjugés mutuels.
L’islam rappelant dans le Coran le principe de base du dialogue avec les juifs et les chrétiens « Et ne discutez que de la meilleure façon avec les gens du Livre, sauf ceux d’entre eux qui sont injustes. Et dites : « Nous croyons en ce qu’on a fait descendre vers nous et descendre vers vous, tandis que notre Dieu et votre Dieu est le même , et c’est à Lui que nous nous soumettons ». (Coran 29.45)
Pour continuer mon propos, Sallam S.M Sallam écrit « en Égypte les juifs et les chrétiens connurent un âge d’or dans tous les aspects de la vie, dans une société baignant dans un esprit de tolérance et d’harmonie et ils bénéficièrent du merveilleux principe de tolérance religieuse sous la protection des sultans. »
Heskel Haddad écrit « les exécutions sur les bûchers en Europe n’eurent pas d’équivalent dans le monde musulman.
Alors que les juifs d’Europe furent expulsés à plusieurs reprises de chez eux, on ne connaît qu’un exemple comparable dans l’histoire musulmane: en 1678 quand les juifs du Yémen reçurent l’ordre de quitter le pays, pour finalement être autorisé en 1681 à y retourner. »
Ces quelques citations pour illustrer la tolérance dont bénéficiait les juifs sous le croissant en opposition à l’intolérance qu’ils subissaient sous La Croix.
Quant à la place du judaïsme dans l’islam, voici quelques grandes lignes.
Arrivé à Médine, le Prophète lia les tribus juives et arabes par un pacte reconnaissant à chacun sa religion et sa liberté de culte, un pacte établi sur un contrat basé sur la tolérance dans l’esprit du verset Coranique « pas de contrainte en religion. »
Dès l’avènement de l’islam, musulmans et juifs furent liés par l’histoire d’Abraham dont ils sont tous deux descendants et le monothéisme pur qui fut ressuscité par l’islam.
Dans tous les territoires de l’empire musulman grandissant, les juifs jouissaient d’une tolérance et d’une liberté alors inexistante dans les autres empires, Romains, Perses et autres, au point que bien souvent les juifs accueillaient les musulmans comme des libérateurs.
Dans l’histoire de l’oppression des juifs, les musulmans les secoururent à nombreuses reprises, les accueillant au Maghreb et dans l’empire Ottoman lors de la reconquista.
Quant à leur statut juridique dans l’islam, les juifs jouissent d’une autonomie interne pour les questions religieuses et civiles alors qu’à la même époque pour l’église médiévale le juif était hors juridiction, le droit public ne s’appliquait pas pour lui, il faisait plutôt partie de la propriété royale au même titre que le bétail, ce qui contraste avec le droit de propriété que lui accorde l’islam.
Quant aux expéditions qu’il y a pu avoir du temps du prophète contre certaines tribus juives, elles ne représentent pas la manière de traiter les non musulmans en islam, car celles ci étaient motivés par des raisons autres que la religion de ces tribus, à savoir le non respect des pactes en vigueur.
Au sujet de l’impôt demandé aux minorités souvent présenté comme une humiliation, il faut rappeler que l’état musulman perçoit des musulmans vivant en son sein, la Zakat, qui correspond à 2,5% de leurs fortunes et permet de faire fonctionner l’état, de nourrir ses pauvres, soutenir les orphelins…
Les juifs et les chrétiens vivant en terre d’Islam ne sont pas soumis à la zakat, une participation financière aux dépenses de l’état leur est imposé, impôt qui n’est demandé qu’aux riches parmi eux et est bien inférieur a la zakat prélevé sur le musulman, impôt qui garantie aux minorités leurs droits et leurs protections.
Je pense que la plupart des français qui payent des impôts trouveraient anormal qu’un individu détenteur d’une carte de séjour puisse jouir des aides sociales et être exempté d’impôt ?!
De plus l’impôt fixé par l’islam, tant décrié aujourd’hui était parfaitement accepté hier, chaque empire avait son propre système d’imposition, les impôts réclamés aux peuples conquis par les perses et les byzantins, pour ne citer qu’eux, écrasaient les populations qui virent en la jiziya, un impôt raisonnable dont découlait justice et stabilité .
Quand durant le califat d’Al Mu’tadid certains tentèrent de faire annuler la jiziya, les juifs s’y opposèrent car cette capitation était la garantie de leur sécurité et du respect de leurs droits.
J’espère à travers ces quelques lignes avoir suscité votre curiosité afin que vous cherchiez à connaître plus en détail notre histoire commune, par celle ci les musulmans pourront dépasser les conflits politiques et être fidèles aux enseignements de l’islam et les juifs se rappeler le soutien d’hier et la tolérance qui leur fut accordés quand partout ailleurs ils souffraient du rejet.
Ainsi ils pourront à leur tour dépasser les conflits politiques et voir l’islam à travers ces enseignements et sa civilisation et non à travers des préjugés.
Quant au conflit politique, nous n’avons, ni vous, ni nous de responsabilité directe mais nous avons une responsabilité commune qui est de construire la paix et de dénoncer l’injustice.