De la chute du califat aux états nations

Les anglais voulaient affaiblir l’empire Ottoman, ils promirent aux arabes qui souffraient de la politique pro-turc un empire arabe indépendant, le chérif Al Husseyn pris alors possession du Hijaz, l’empire Ottoman perdit la gestion du hajj et l’entretien des lieux saints ce qui le fragilisa et contribua à lui faire perdre sa légitimité dans le monde musulman.

Pour les anglais la création d’un foyer juif en Palestine musulmane était un projet voué à l’échec tant que le califat ottoman était debout car celui ci pouvait mobiliser ses ressources pour empêcher sa création et aucune négociation n’était possible pour que l’empire Ottoman accepte ce foyer juif puisque Abdelhamid II avait refusé la création de ce foyer juif en Palestine, monter les arabes contre les turcs et entraîner la chute de l’empire était la stratégie la plus sûr pour les anglais.

Le chérif Husseyn victorieux contre les Ottomans aspira à la création d’un califat hachémite et revendiqua le califat, ce qui est une erreur stratégique puisqu’il le fit sans la permission britannique, qui avait pour projet de diviser le monde musulman pour leurs aspirations politiques mais absolument pas de détruire un califat pour le remplacer par un autre.

Un califat hachémite pourrait mobiliser le monde musulman à partir du berceau de l’islam et donc menacer l’influence de la Grande Bretagne et empêcher la réalisation du foyer juif en Palestine.

La Grande Bretagne donna alors sa bénédiction à un autre de ses clients arabes, Abdelaziz Ibn Saoud afin qu’il contre Husseyn dans ses projets et lui arrache le contrôle du Hijaz.

L’art de la traîtrise, un premier client britannique, le chérif Husseyn utilisé pour éliminer un autre client, l’empire Ottoman qui est ensuite éliminé par un autre client britannique, Abdelaziz Ibn saoud.

Au départ les britanniques avaient demandé à Ibn Saoud de ne pas intervenir dans le conflit Hachémite-ottoman, achetant sa neutralité avec une pension mensuelle de 5000 livres sterling, puis quand le chérif Husseyn devint gênant à cause de sa prétention au califat, Ibn Saoud fut désigné comme le client britannique le plus stratégique pour contrôler le Hijaz.

L’alliance Ibn Saoud avec le cheikh Mohammed Ibn Abdelwahab, leader religieux, donna l’impulsion à la tentative de reconquête des lieux saints.

Ibn Saoud envoya ses armées, 4 jours après la revendication du califat par le chérif Husseyn.

En quelques mois la péninsule fut conquise, les britanniques en héros secoururent Husseyn et lui offrir un exil confortable à Chypre.

Ibn Saoud n’ayant de contrôle que sur le hijaz et craignant que le congrès organisé par Al Azhar au Caire suite à la chute du califat remette en cause son pouvoir, il organisa un congrès concurrent visant à faire reconnaître son autorité sur les lieux saints par les musulmans du monde entier.

Celui ci fut organisé pendant le hajj de juillet 1926, la difficulté de déplacement de l’époque était telle que les émissaires ne pouvaient assister et au congrès du Caire (mai 1926) et à celui de la Mecque et la date choisie, le hajj, garantissait la réussite de leur projet.

Le congrès du Caire avait pour ordre du jour la califat tandis que celui de la Mecque n’en parla pas et enterra volontairement ce sujet afin que leur prétention au pouvoir ne soit pas mis à mal, par le fait qu’ils ne sont pas qoraich et n’ont aucune légitimité dans le monde musulman.

De là naquît un état nation ancré dans le système des états nations mondial, le califat aboli en Turquie, saboté à la Mecque n’avait plus de chance de revoir le jour avec la création d’un état wahhabite, les britanniques avaient réussi leur mission.

Parmi les enjeux politiques britanniques la destruction de l’islam en tant que puissance mondiale, la conquête de Jérusalem et la création d’un foyer juif en Palestine, les dirigeant sionistes avaient eu un autre objectif créer un état d’Israël en terre sainte.

La première guerre mondiale et l’abolition du Califat Ottoman

Le califat ottoman entre en guerre aux côtés des puissances centrales, malgré que jusqu’à la dernière minute l’empire fut réticent à entrer en guerre, l’empire dut s’allier à l’Allemagne et non à ses allés traditionnels que sont la France et la Grande Bretagne car ceux ci s’étaient alliés à la Russie avec qui ils avaient scellé un accord, consistant à donner à la Russie Constantinople, mais la révolution bolchevique, largement financer par wall street, permis aux alliés de ne pas tenir leur promesse.

L’entrée des Ottomans dans la première guerre mondiale aux côtés de l’Allemagne était un pré requis essentiel pour la réussite des projets sionistes, les ottomans ayant refusé les marchés proposés par les sionistes pour un contrôle juif de Jérusalem en échange de solder les dettes de l’empire.

Briser l’empire ottoman était impératif pour créer un état juif et pour empêcher les ottomans de rallier d’autres musulmans pour récupérer Jérusalem.

Alors que le cheikh al islam de l’empire ottoman proclama le djihâd contre les alliés, la diplomatie britannique réussit à empêcher une mobilisation musulmane universelle avec ce qu’on peut appeler le premier « printemps arabe », la rébellion des arabes contre le pouvoir ottoman avec la volonté d’accéder à l’indépendance nationale.

Le chérif husseyn pris la Mecque et Médine, ces deux fils l’Iraq et la transjordanie, les troupes arabes et britanniques marchèrent triomphantes sur Jérusalem, mais la Palestine elle demeura sous mandat britannique jusqu’en 1948 où les sionistes déclarèrent la création de l’état d’Israël.

La défaite de l’empire Ottoman dans la guerre fut cuisante, sur les cendres de la défaite ottomane les forces nationalistes turques laïques menées par Mustapha Kémal prirent le pouvoir après 50 ans de lutte interne, la Mecque et Médine perdus, les leaders turcs laïques se sentaient dégagés de tout lien impérieux envers le monde de l’islam, ils proclamèrent la république de Turquie, séparant la religion et la politique, étape indispensable à la laïcisation de l’état.

L’islam ne reconnaissant pas de séparation entre « l’église » et l’état, il n’était pas possible de créer un « pape » qui représenterait un « islam sécularisé », c’est pourquoi la république turque garda le contrôle de l’islam au lieu de le séparer réellement de la politique, en ayant d’un côté le politique indépendant du religieux et de l’autre le religieux indépendant du politique, comme l’a fait le modèle occidental avec le christianisme.

Ce maintient sous contrôle de l’islam par le politique, par l’état étant une mesure impérative pour empêcher que l’islam puisse revendiquer un jour le rétablissement du califat.

Pour ce faire la grande Assemblée nationale turque ne fit pas qu’abolir le califat mais nomma Abdoulmajid calife, mais un calife dépouillé de tout pouvoir temporel, puisque le pouvoir est maintenant conféré à l’état, son rôle étant celui de « chef de l’église islamique ».

Ayant tenté de façonner un équivalent du « pape » l’université d’Al Azhar critiqua l’abolition du califat et la création de ce « mufti » remplaçant le rôle du calife, un calife privé de pouvoir temporel, la déclaration d’Al Azhar qualifia cette nouvelle fonction d’innovation et décida d’organiser un congrès pour réunir les représentants des différents peuples musulmans afin de désigner un nouveau calife.

Le congrès eut lieu au Caire en mai 1926, le programme fut le suivant:

⁃ la définition du califat et des compétences requises pour être calife

⁃ Le califat est il nécessaire en islam

⁃ Comment le califat s’acquiert il?

⁃ Est il possible à l’heure actuelle, de mettre sur pied un califat qui réponde à toutes les exigences de la charia?

⁃ A supposer que la réponse au quatrième point soit négative, qu’elle mesure devrait être prise?

⁃ A supposer que le congrès décide qu’il est nécessaire de nommer un calife, quelles démarches devraient être entreprises pour que cette décision prenne effet?

Les émissaires qui y assistèrent venaient d’Égypte, de Tunisie, du Maroc, d’Afrique du sud, des Indes orientales néerlandaises, du Yémen, du hijaz, de Palestine, d’Iraq et de Pologne.

Brillaient par leur absence les représentants de la Turquie, la perse, l’Afghanistan, le najd et les communautés musulmanes de Russie, de chine et d’Inde.

La Turquie déclina l’invitation répondant que le pays n’avait aucun problème de califat, la perse Chiite, ne manifesta aucun intérêt dans le congrès du califat sunnite.

Quant aux minorités leurs environnements hostiles ne leurs permettaient pas de prendre position.

Le plus opposé et terrifié à l’idée de voir ressurgir le califat était Ibn Saoud qui venait de prendre le contrôle des villes saintes.

La résolution du congrès stipulait que le califat pouvait être réalisé, il suffisait de planifier un autre congrès réunissant tous les peuples musulmans et d’élire ce nouveau calife.

Le congrès musulman mondial de la Mecque-juin-juillet 1926

Abdel Aziz Ibn Saoud s’était réemparé du Najd après une prise de Riyad en 1902, avait scellé une officiellement une alliance avec les britanniques en 1916, année où les ottomans furent dépossédés du Hijaz et le chérif Husseyn en pris le commandement.

Il interdit aux wahhabites avec qui il était en opposition l’accomplissement du Hajj sous prétexte de divergences théologiques, mais surtout car le najd wahhabite était son concurrent le plus dangereux.

Quand le califat fut aboli, Husseyn et Ibn Saoud pouvaient enfin revendiquer le pouvoir, puisqu’il n’y avait plus d’autorité islamique officiel, le chérif husseyn revendiqua le califat, Ibn saoud de qui les anglais avaient acheté la neutralité devenait préféré des britanniques car la création d’un nouveau califat n’allait pas dans le sens de la politique anglaise.

Après avoir pris les villes saintes, Ibn Saoud vit dans le congrès du Caire une menace imminente, car si un calife était désigné, celui ci règnerait sur les villes saintes et donc Ibn Saoud serait chassé du pouvoir, l’institution d’un état nation saoudien construit sur les cendres du califat comme Mustapha Kémal avec sa république laïque de Turquie constituait le système politique alternatif suffisant à maintenir son autorité, afin de légitimer son contrôle des lieux saints il annonça le congrès de la Mecque pendant le hajj de 1926.

Les wahhabites avaient laissés lors de leur conquête du hijaz au 18ème siècle avant d’en être chassés par Mohammed Ali Pacha, une image négative dans le monde musulman à cause des guerres qu’ils avaient mené.

Ibn Saoud savait donc que revendiquer le califat lui était impossible mais légitimer son autorité sur les lieux saints via ce congrès lui assurerait une reconnaissance suffisante pour régner durablement.

Toutes les communautés à l’exception de celle de perse, de chine, les sanussi de Lybie et le reste du Maghreb, furent représentées, par exemple cheikh Souleyman Nadwi représentait les communautés d’Inde, le mufti de Palestine dirigeait la délégation palestinienne…parmi les personnalités présentes on peut citer Rashid Rida.

Ce congrès eut pour conséquence l’acceptation par les masses musulmanes du système d’état nation et ce à cause de la situation objectivement déprimante à laquelle le monde musulman était confronté, l’absence de désaveu fort de la part des oulémas de ce système et surtout car le monde musulman dans sa majorité vivait sous domination coloniale.

Le roi Abdelaziz Ibn Saoud profita de son discours pour mettre en avant le despotisme de Husseyn qui avait mis le hijaz sous influence non musulmane, ce qui justifiait son renversement et la conquête des lieux saints ou la sécurité régnait désormais.

Le roi fit preuve de bienveillance envers les musulmans présents et présenta ce congrès comme une assemblé de « choura » visant à consulter les musulmans sur les questions religieuses.

Le roi exposa ensuite sa politique pour le hijaz comme suit:

⁃ nous n’admettons aucune intervention étrangère dans ce pays sacré

⁃ Nous n’admettons pas que des privilèges soient réservés à certains et pas d’autres, tout ce qui se passe dans ce pays doit se faire en conformité avec la chari’a

⁃ Le hijaz doit bénéficier d’un régime de neutralité spécial. Il ne doit ni entrer en guerre ni être attaqué et cette neutralité doit être garantie par tous les états musulmans indépendants

⁃ Il est nécessaire d’examiner la question de l’aide financière envoyée au hijaz depuis des nombreux pays musulmans, la façon de la redistribution et le devoir d’en faire bénéficier les lieux saints

Dans ce discours le roi présent le hijaz et le najd comme seul Dar Al islam totalement indépendant du reste du monde, le monde musulman se voyait alors accorder le statut d’étranger nécessitant l’option d’un visa pour venir accomplir le hajj, tandis que les saoudiens eux étant citoyens de l’état d’Arabie saoudite en voie de création n’en auraient pas besoin, Dar Al islam ainsi démantelé, les lieux saints n’appartenaient plus aux musulmans mais à ce qui allaient devenir les saoudiens.

Avant la prise des lieux saints par les saouds les musulmans du monde entier et particulièrement ceux de l’Inde envoyaient leur argent pour subvenir aux pèlerins et entretenir la Mecque et Médine, qui aurait pu imaginer qu’un jour leurs enfants seraient traités en esclave sur cette même terre.

Les représentants des différents états s’exprimeront librement lors du congrès, le sujet du califat ne sera jamais abordé, le congrès refusera d’accorder au roi la légitimité qu’il cherchait, ce congrès présenté comme le conseil consultatif de la Oumma dont le roi avait annoncé sa répétition annuelle lors du pèlerinage n’eut plus jamais lieu.

Malgré l’échec global de ce congrès il fut une réussite sur deux points, il fut une victoire majeure pour la nouvelle approche de l’unité musulmane et permis à Ibn Saoud d’obtenir la reconnaissance universelle du règne saoudien sur le hijaz, qui était son objectif premier avec l’organisation de ce congrès.

Il ne lui restait donc plus qu’à proclamer l’établissement de l’état d’Arabie saoudite et d’instituer le pré requis légal d’un visa pour entrer sur son territoire.

Le califat, le hidjaz et l’état nation d’I.N.Hosein