Omar rédigea son texte en réponse à la demande d’un certain Hunter qui, probablement, est, selon Alryyes, le Révérend Eli Hunter de l’American Colonization Society, qui voyagea dans la région dans les années 30.
À l’intention de ce « Hunter », Omar écrivit :
D’omar à Cheikh Hunter : Vous m’avez demandé d’écrire ma vie. Je ne saurais le faire car j’ai oublié ma langue et celle des Arabes. Je sais tout juste un peu de grammaire et de vocabulaire. Ô mes frères, en raison de ma faiblesse visuelle et corporelle, je vous demande, au nom d’Allah, de ne point me blâmer.
Mon nom est Omar Ibn Said; Je suis né au Fouta Toro, entre les 2 rives. J’ai étudié au Boundou et au Fouta auprès de Cheikh Mohammad Said, auprès de mon frère et auprès de Cheikh Souleymane Kimba et Cheikh Djibril Abdal. J’ai continué à chercher le savoir durant vingt-cinq ans. Je revins chez moi et y demeurai pendant 6 ans. Une grande armée vint dans notre contrée et tua beaucoup de personnes. Elle me captura, me conduisit dans la grande mer, me vendit comme esclave à un Chrétien (Nasrani) qui m’amena en bateau.
Nous sommes restés en mer durant un mois et demi jusqu’à ce que nous arrivions à un endroit appelé Charleston…..Un petit homme chétif nommé Johnson, un infidèle (Kafir) qui ne craignait point Allah, m’acheta. Je suis un homme faible qui ne peut effectuer de dur labeur. Aussi réussis-je à m’échapper durant un mois et me rendis à une place appelée Faydel (Fayetteville). C’est là que j’aperçus des maisons pour la première fois durant tout ce mois.
J’entrai dans une maison pour prier et vis un jeune homme à cheval qui fut rejoint plus tard par son père. Il dit à son père avoir aperçu un Noir dans la maison. Un homme appelé Hindah accompagné d’un autre à cheval et de plusieurs chiens, me demanda de venir avec eux. Après avoir parcouru 19 kilomètres, nous arrivâmes à Faydel. Ils me gardèrent prisonnier dans une grande maison appelée jîl (jail) dans leur langue, durant 6 jours. Le vendredi suivant, un homme vint et ouvrit la porte de la cellule et je vis plusieurs personnes qui parlaient une langue occidentale (nasrani).
Ils m’interpellèrent : est-ce votre nom Omar, Said? Je ne comprenais pas leur langue. Je vis un homme qui s’appelait Bob Mumford qui parlait -aux geôliers-. Il décida de me sortir de prison; ce à quoi je consentis avec plaisir. J’ai séjourné à la maison de Mumford plusieurs jours durant. C’est alors qu’un homme nommé Jim Owen, époux de la fille de Mumford, Betsy, me demanda : « Seriez-vous disposé à venir avec moi à Bladen County. Je répondis : « oui ». Depuis lors je suis resté avec Jim Owen…
Avant ma venue au pays des Chrétiens, ma religion était celle de Mohammad, le prophète d’Allah. Qu‘Allah le bénisse et lui accorde la paix. J’allais à la mosquée avant l’aube, je lavais ma figure, ma tête, mes mains, mes pieds. J’effectuais les prières de la mi-journée, de la fin de l’après-midi, du coucher du soleil et de la nuit. Je donnais l‘aumône chaque année en or, argent, en récoltes et bétail : moutons, chèvres, riz, blé et orge.
Je m’engageais chaque année au djihad contre les infidèles. J‘allais à La Mecque et à Médine comme l‘ont fait ceux qui en avaient les moyens. Mon père a six fils et cinq filles, et ma mère a trois fils et une fille. Quand j‘ai quitté mon pays, j‘avais trente-sept ans. Je suis resté dans le pays des Chrétiens pendant 24 années…
Ces quelques lignes sont extraites de la deuxième partie du manuscrit; la première partie, elle, consistant en des extraits tirés du chapitre coranique, Al-Mulk.