Sous prétexte qu’elle aurait permis de construire des routes, des écoles et des hôpitaux, certains exigent des enseignants qu’ils présentent le bilan « positif » de la colonisation. En plaçant sur un pied d’égalité des effets bénéfiques – souvent incidents – et des ravages volontaires, une telle démarche nie la spécificité du projet de domination impériale.
Le général de Gaule dit « au temps où la colonisation était la seule voie qui permit de pénétrer des peuples repliés dans leur sommeil, nous fûmes des colonisateurs et parfois impérieux et rudes.
Mais au total, ce que nous avons accompli en tant que tels laisse un solde largement positif aux nations où nous l’avons fait. »
« Entre colonisateur et colonisé il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies.
J’entends la tempête.
On me parle de progrès, de réalisations, de maladies guéries, de niveaux de vie élevés.
Moi je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, de cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaire possibilités supprimées.
On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemins de fer.
Moi je parle de milliers d’hommes sacrifiés.
Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. » (Aimé Césaire, discours sur le colonialisme, 1950)