Avons nous besoin de Dieu?

Pourquoi cette question ?

Cette question ne s’est jamais posé, mais en Europe depuis le 16e siècle s’est élevée la prétention de l’homme à gérer le monde à la place de Dieu.

Cet homme a rêvé d’un autre bonheur: devenir maître et possesseur de la nature par une science et une technique lui donnant aussi pouvoir sur les autres hommes, sur tous les continents de la planète.

Ce désir de puissance, d’abondance et de croissance espéra se satisfaire sans fin, leurs idéologues l’appelèrent « progrès ».

Les deux guerres mondiales remirent en question cet optimisme.

Les maîtres à penser qui a la renaissance exigeaient que l’homme règne à la place de Dieu, après la faillite de leur entreprise, abdiquèrent en faveur de la machine.

Or la machine ne peut répondre à nos interrogations sur le sens de notre vie et sur notre destination finale.

Cette parenthèse prétentieuse dans l’épopée humaine est celle de l’occident depuis la renaissance.

La dernière tentative de réponse fut celle du socialisme dans sa variante athée, l’effondrement du système soviétique fit plus qu’un tremblement de terre, une remise en question du sens de la fin et de sa finalité.

La dégénérescence du système soviétique ouvrit les portes au triomphe de la restauration du capitalisme rebaptisé libéralisme.

Pour comprendre l’actuel monothéisme du marché, il faut retracer les trois mythes successifs qu’à vécu le monde:

⁃ celui du progrès pendant 4 siècles

⁃ Puis en moins d’un demi-siècle avec le désenchantement du mythe du progrès avec la seconde guerre mondiale

⁃ Puis celui du non sens; les philosophes de l’absurde qui cherchant à surmonter leur désespoir inventèrent le mythe de l’intelligence artificielle, de machines à penser remplaçant l’homme pour le pilotage du monde.

Le mythe du progrès depuis la renaissance a tenté de combler le vide laissé par le recul de Dieu pour entretenir l’espoir, lorsque le système caporal connut son premier bon en avant, ses théoriciens en donnèrent une image idyllique, ce que Marx s’attela à détruire en montrant que malgré ses progrès techniques il est facteur d’inégalités, de misère et d’exclusion.

Le libéralisme quant à lui porte en lui un principe d’exclusion et d’inégalité, car la liberté opprime quand la loi libère disait le père lacordaire.

Tous ces échecs entraînèrent l’apparition de philosophes individualistes et athées, comme Sartre qui dit « l’homme aspirant à être Dieu et ne pouvant y parvenir, la vie est une passion inutile. » ou Camus qui dit « la vie est absurde. »

L’occident, responsable des plus grands crimes contre l’humanité sur tous les continents, du génocide des indiens d’Amérique à la traite des nègres et d’Auschwitz à Hiroshima a toujours présenté ses massacres comme des victoires de la civilisation sur la barbarie: autrefois l’entreprise de conquêtes cherchait à se justifier par l’évangélisation.

Après le recul du religieux en Europe, ceux que Jules ferry appelait « les races supérieures » apportaient à des « primitifs » la modernité.

Dans cette perversion du vocabulaire le droit du fort s’appelle force du droit et le nouveau colonialisme « droit d’ingérence humanitaire. »

Ce totalitarisme de la communication exclut les dimensions proprement humaines de l’homme: l’art, l’amour, la rencontre personnelle, le sens de la vie…

Pour éliminer la réflexion on propose des jeux télévisés pour adultes et des jouets « éducatifs » pour enfants qui sont dépouillés de possibilité d’éveil à la réflexion, au sacrifice…

La foi devient culturelle ou institutionnelle.

Quant à la religion dominante des dominants, le christianisme elle est en régression non pas seulement par la quantité de ses prêtres et de ses fidèles mais par la qualité de son message ecclésial qui ne répond pas aux questions, aux angoisses et aux espérances des peuples.

L’institution chrétienne cultive le rituel comme un spectacle à la mode du jour, sous cette façade de fausse modernité, elle se retranche derrière les traditions les plus archaïque avec leurs autoritarismes et leurs interdits.

Une tradition « constantinienne » qui n’a guère cessé de cautionner les pouvoirs et les dominations.

Il n’est pas possible d’écrire la vie de Jésus car il n’en existe aucun récit dans les évangiles, leurs auteurs ne se voulaient pas historiens mais prédicateurs soucieux d’édifier une communauté.

Il est néanmoins possible de dégager les lignes maîtresses de son message.

Parmi les fondements théologiques du « paulinisme » politique, la théologie de la domination, de la soumission à l’autorité, Paul recommandant aux esclaves d’être soumis à leur maître et de les servir de bon cœur, cette servitude étant la rançon du péché, le principe général formulé par Paul étant « que tout homme soit soumis aux autorités qui exercent le pouvoir, car il n’y a d’autorité que par Dieu et celles qui existent sont établies par Lui. Celui qui s’y oppose se rebelle contre l’ordre voulu par Dieu, et les rebelles attirent la condamnation sur eux mêmes. », quand ses thèses se répandirent dans l’empire Romain, l’empereur Constantin vit tout le parti qu’il pouvait tirer de cette sacralisation de l’obéissance.

Il fit du christianisme la religion officielle de l’empire, il fallait pour cela mettre fin aux divisions idéologiques parmi les chrétiens, leur unité étant menacée par Arius, prêtre à Alexandrie.

Les œuvres d’Arius, à l’exception d’une lettre ont été détruite on ne sait de lui et de ses œuvres que ce que ses adversaires en ont rapporté.

Arius semble préserver l’unicité divine contre la tendance à lui substituer un Jesus-Dieu créateur prêché par Paul « Jesus christ, par qui toute chose existe. »

Tandis que le mot clé de l’arianisme est le verset de saint Jean « le père est plus grand que moi. »

« Je monte vers mon père et votre père, vers mon Dieu et votre Dieu. »

Constantin tente au départ la conciliation entre les chrétiens, celle ci échouant il convoque un concile à Nicée, Arius à le dessus car lui et ses adeptes maîtrisent parfaitement les écritures mais Constantin lui donne malgré tout tord, les arianistes sont contraints à l’exil et destitués, ils s’installent alors en gaule.

Le fond du problème n’était pas doctrinal mais politique, Nicée devait permettre d’obéir à l’empereur et de se débarrasser d’une image de Jésus insupportable à tout pouvoir, il fallait pour l’empire que ce Jesus fut un Dieu comme les autres, comme ce Jupiter à qui Constantin restera fidèle jusqu’à sa mort.

Un Jesus homme aurait été rival de l’empereur qui se voulait chef du peuple chrétien, un Jesus Dieu dans le ciel ne lui faisait aucune ombre puisqu’en tant qu’empereur il incarnait la volonté de Dieu sur la terre.

Le concile de Nicée en 325, établit définitivement l’orthodoxie Paulienne.

Ainsi Jesus est entré dans le dépôt commun des dieux, ce qui est pour Constantin le meilleur garant d’un consentement populaire.

De l’église persécutée hier on est passé à l’église institution d’état, les évêques deviennent des fonctionnaires au service de l’état.

Ils peuvent discuter mais c’est l’empereur qui décide.

L’obéissance aux lois est un devoir religieux puisque toute autorité est instituée par Dieu.

Saint Augustin évoquant Paul écrira qu’il faut obéir « même à des monstres pareils à Néron, la puissance souveraine n’est donnée que par la providence du dieu suprême quand il juge que les hommes méritent de tels monstres. »

En 1525 lors des soulèvements déclenchés par la réforme, Amsdorf écrit « un homme qu’on peut convaincre de rébellion est ah ban de Dieu et de l’empereur et tout chrétien doit l’égorger. »

S’adressant aux princes « chers seigneurs déchaînée vous…exterminez, égorgez. »

Il ajoute « s’il se trouve des innocents parmi eux, Dieu saura bien les protéger et les sauver. »

Voici l’application pratique du principe de pouvoir reçu de Dieu qu’il est un devoir de défendre .

Tout au long de l’histoire le paulinisme politique confortera la théologie de domination, lors de la naissance du colonialisme c’est encore la théologie de Paul qui sert d’argument.

Ce paulinisme politique et l’augustinisme politique jouent un rôle capital dans l’histoire du colonialisme européen en Amérique, les colons allant jusqu’à chasser les indiens pour s’emparer de leurs terres en citant Josué et ses exterminations des philistins.

L’inquisition se fondra sur la lutte contre les hérésies comme il fut le cas avec les arianistes…

Cette libération apporté par Jesus prophète, qui était offerte à tous les hommes, libres ou esclaves est devenu un outil de domination du pouvoir pour contraindre son peuple, Amsdorf écrit que le devoir des maîtres investis par Dieu «  c’est de contraindre le peuple par La loi et le glaive à la piété extérieure comme on tient les bêtes fauves par les chaînes de la cage. »

N’ayant plus aujourd’hui le pouvoir de contraindre, l’église à tenté de tourner la page avec son histoire avec le concile de Vatican II, s’ouvrant ainsi au monde, l’église n’étant plus appelée à dominer le monde mais à le servir, passant de l’anathème au dialogue.

Le catéchisme de l’église catholique est alors remanié.

Est il pour autant possible aujourd’hui que la théologie de la domination est mise de côté de retrouver le message libérateur de Jésus ?

Un dialogue est il possible? Il est vrai que depuis cinq siècles, surtout avec la naissance du colonialisme appelé évangélisation des indiens, les conquêtes, massacres et génocides, l’occident a donné le pire exemple de l’intégrisme, c’est à dire la prétention de détenir la vérité absolue et par conséquent d’avoir non le droit mais le devoir de l’imposer à tous.

Hors de l’église pas de salut, hors de l’occident pas de civilisation.

Une telle prétention appuyée par les armes est la mère des autres intégrismes dans le monde.

Pour Nietzsche les racines du christianisme sont le mythe grec de l’être et le mythe juif de la loi, le mythe grec a fait du christianisme un « platonisme pour le peuple » et le mythe juif de la Loi a fait du christianisme « un judaïsme plus libéral. »

Source « avons nous besoin de Dieu »

Roger Garaudy