Il y a un processus historique qu’il ne faut pas négliger sous peine de perdre de vue l’essence des choses, de ne voir que leurs apparences.
Ce processus ne commence pas par la colonisation mais par la colonisabilité qui la provoque.
D’ailleurs dans une certaine mesure, la colonisation est l’effet le plus heureux de la colonisabilité parce qu’elle inverse l’évolution sociale qui a engendré l’être colonisable: celui ci ne prend conscience de sa colonisabilité qu’une fois colonisé.
Il se trouve alors dans l’obligation de se « desindigéniser » de devenir incolonisable, et c’est en ce sens qu’on peut comprendre la colonisation comme « une nécessité historique ».
Il faut distinguer entre un pays simplement conquis et occupé et un pays colonisé.
Ainsi la colonisation n’est pas la cause première à laquelle on puisse imputer la carence des hommes et la paresse des esprits dans les pays musulmans.
On se rend compte alors que la colonisation s’introduit dans la vie du peuple colonisé comme le facteur contradictoire qui lui fait surmonter sa colonisabilité.
Il y a donc un aspect positif de la colonisation, en ce qu’elle libère des potentialités longtemps demeurées inertes.
Bien qu’elle constitue d’autre part un facteur négatif, puisqu’elle tend à détruire ces mêmes potentialités en appliquant à l’individu « le coefficient colonisateur », un fait est significatif: l’histoire n’a jamais enregistré la pérennité du fait colonial.
Le colonisateur ne vient pas naturellement « promouvoir », il vient paralyser , comme l’araignée paralysé la victime prise dans son filet.
Mais en fin de compte, il change si radicalement les conditions de vie de l’être colonisé que par cela même il transforme son âme.
Source « la vocation de l’islam » Malek Bennabi