Les hommes à la découverte de Dieu

La force de Mohammed Abdallah Draz est d’avoir su cumuler ses connaissances religieuses aux sciences humaines, permettant un rapprochement des civilisations et des cultures.

Sa vaste culture et son attachement à sa foi et ses traditions le distingue de nombreux érudits musulmans et lui ont permis d’opposer ses travaux aux plus grands intellectuels européens.

Dans ce livre il dresse une étude sociologique de la Religion dans l’histoire de l’humanité.

L’expression « histoire des religions » vient d’occident et est relativement récente (19e siècle).

La religion a toujours possédé une place centrale dans l’histoire des peuples.

Avec l’apparition de l’islam qui se propagea rapidement jusqu’à recouvrir d’immenses contrées d’Europe occidentale, les sciences et les mœurs ainsi que les législations islamiques se propagèrent en Occident.

L’occident est ainsi redevable aux arabes de la découverte des sciences orientales mais ce qu’il y a d’extraordinaire c’est qu’il leur est également redevable des sciences occidentales elles mêmes.

Quand l’empire romain avait envahit la Grèce il resta étranger à la culture grecque, par la suite le christianisme occupé par les luttes et les polémiques religieuses internes et externes qui le rongeait demeura ignorant de la science développé par les grecs.

L’Europe occidentale avait tourné le dos aux richesses culturelles de l’Europe orientale pendant une longue période de l’histoire.

L’Europe n’a découvert ces trésors culturels que lorsque les musulmans au 8e siècle venant d’au delà des mers les ont portés jusqu’à elle dans leurs bagages.

La conquête musulmane entreprise au nom de la science, la paix, la justice et la tolérance est bien différente de ces conquêtes sanguinaires menées avec arrogance et mépris dans le but de satisfaire des instincts débridés ou s’approprier des biens matériels.

Les juifs furent les premiers à tirer profit de cet enseignement, ils s’appliquèrent à retranscrire ces connaissances et les traduire de l’arabe vers l’hébreu puis de l’hébreu vers le latin.

Les musulmans qui en langue arabe avaient retranscrit les sciences d’aristote…firent découvrir aux occidentaux la pensée de ses philosophes.

L’occident n’a entendu parler d’Aristote et de sa pensée que grâce à Ibn Rush et ses disciples comme le philosophe juif Maïmonide au 12ème siècle.

Ainsi l’Europe occidentale commença à s’éveiller et jetant des regards vers cet orient d’où lui venaient les lumières de la connaissance, elle y dépêcha ses hommes d’église pour y étudier les religions locales.

C’est le départ de l’étude qu’on appelle « histoire des religions » que j’appelle plutôt « les histoires des religions ».

Le mot « din » a un sens différent selon la forme syntaxique du verbe dont il dérive:

1- avec la forme transitive, on exprime l’idée d’autorité, de pouvoir, de décision, de puissance, d’octroi de récompense ou de châtiment.

Le Coran dit d’Allah qu’Il est le maître du jour de « la religion » (din) c’est à dire du jugement dernier

2- par la forme intransitive avec lam, on exprime l’obéissance, l’humilité, la soumission, l’adoration.

« Ad din li-lah » la religion est à Allah, c’est à dire la soumission est due à Allah

3- quant à sa forme intransitive avec ba, elle exprime l’idée de foi, de fidélité, de croyance, de confiance en la loi acceptée.

Le mot « din » contient dans les 3 cas une idée de relation entre deux entités dont l’une a autorité sur l’autre, celle ci devant obéissance et soumission à celle là.

Les savants parmi les anciens définissaient le plus souvent le mot « din » par « institution divine qui conduit les esprits éclairés à choisir la vertu ici bas et le salut dans l’au delà. »

Autrement dit « la religion est une institution d’inspiration divine qui engage au Vrai dans le domaine de la foi et au Bien dans le comportement et dans les relations entre les hommes. »

Les occidentaux, quant à eux ont de nombreuses définitions pour le mot « religion »:

Ciceron « la religion est le lien qui unit l’homme à Dieu. »

Kant « la religion est le sentiment de nos devoirs en tant que fondés sur des commandements divins. »

L’abbé Chatel « la religion est la collecte des devoirs de la créature envers le créateur. »

Max Müller « la religion est un effort pour concevoir l’inconcevable, exprimer l’inexprimable, une aspiration vers l’infini, un amour de Dieu. »

Michel Mayer « la religion, c’est l’ensemble des croyances et des préceptes qui doivent nous guider dans notre conduite envers Dieu, envers notre prochain et envers nous mêmes. »

Sylvain Perissé « la religion c’est la part d’idéal dans la vie humaine. »

Al Farabi explique que pour les anciens grecs, le mot « philosophie » désigne la science qui tente de concevoir les choses par elles mêmes, sans passer par des allégories.

Cette science démontre l’existence des choses par des preuves rationnelles sans avoir recours à l’art de la persuasion alors que les religions utilisent la persuasion et les représentations allégoriques.

Cette définition si elle s’applique bien à certaines religions ne leur convient pas a toutes .

L’islam par exemple, a recours dans son enseignement aussi bien à la méthode démonstrative rationnelle qu’à la méthode persuasive et symbolique.

Ibn rushd démontre que la tendance a croire ne fonctionne pas chez tous les hommes de la même manière alors que certains ne se laissent persuader que par les preuves d’autres sont enclins à assimiler les légendes avec autant de crédulité que s’il s’était agi de démonstrations irréfutables, d’autres encore ont besoin pour se laisser convaincre de la flamme des déclarations oratoires…

Ibn rushd affirme « en étudiant attentivement notre Livre précieux, on y trouve les trois méthodes de persuasion: une voie qui s’adresse à tous les hommes, une voie équilibrée pour le plus grand nombre d’entre eux et une voie spécifique pour les esprits distingués. »

Ibn Rushd ajoute «  c’est parce que notre texte, Le Coran a fait usage de ces trois moyens de persuasion en s’adressant aux hommes, qu’il a emporté l’assentiment de tous à l’exception de ceux qui l’ont rejeté d’emblée, soit par obstination soit par négligence.

C’est dans ce but qu’il a été recommandé au prophète Mohammed de s’adresser à tous les hommes, qu’ils soient blancs ou noirs. »

Selon Ibn Sina la philosophie et la religion, malgré leur accord sur la définition du Vrai et du Bien, se séparent sur l’intérêt qu’elles portent à ces deux valeurs.

La loi divine nous enseigne les bases de la vertu pratique et nous incite à tendre vers la perfection alors qu’elle ne nous fournit que quelques rudiments de la sagesse théorique, comme pour seulement attirer notre attention sur elle.

Elle laisse à notre raison le soin de la compléter et de la parfaire sur la base de nos propres arguments rationnels. »

Cette observation contrairement à celle de Farabi s’applique parfaitement à l’islam.

Dürkheim écrit « la religion existe, c’est un système de faits donnés, en un mot, c’est une réalité.

Comment la science pourrait elle nier une réalité ?

La science ne saurait en tenir lieu, car si elle exprime la vie, elle ne la crée pas.

Elle peut bien chercher à expliquer la foi, mais par cela même, elle la suppose. »

Henri Bergson dit « on trouve dans le passé et même aujourd’hui des société humaines qui n’ont ni sciences, ni art, ni philosophie.

Mais il n’y a jamais de société sans religion. »

A l’inverse Rousseau et Voltaire prétendent que la religion est un fait nouveau inventée par des prêtres astucieux pour soumettre les peuples et abuser des pauvres gens.

Ernest renan déclare qu’il est possible que disparaisse tout ce que nous aimons et qui disparaisse la liberté du raisonnement et de la science mais il est inconcevable que puisse un jour disparaître le penchant religieux, qui restera une preuve vivante de l’insuffisance des théories matérialistes qui veulent emprisonner la pensée humaine dans les vulgaires tracasseries de la vie terrestre.

Mouhammad Farid Wagdi écrit « la pensée religieuse ne peut pas décliner pour la simple raison qu’elle représente le penchant le plus noble de l’âme humaine et son sentiment le plus généreux, un sentiment qui pousse l’homme à lever la tête et à élever le regard.

Cette pensée au contraire, ira toujours en augmentant.

L’instinct religieux sera inséparable de l’homme tant que sa raison lui indiquera ce qui est beau et ce qui est laid. »

Source « les hommes à la découverte de Dieu » Mohammed Abdallah Draz