Le blanchiment de l’armée Française en 1944

La caractéristique du débarquement de Provence (15 août 1944), généralement occulté, mais qui a marqué un vrai tournant dans la libération de la France (autant que le débarquement symboliquement « blanc » du 6 juin) c’est qu’il fut le fait de troupes majoritairement constituées d’Africains (au sens large incluant le Maghreb) ou d’Afro-descendants.

Une fois la besogne accomplie, c’est-à-dire la France libérée, il ne fallut pas 3 mois à De Gaulle pour « blanchir » entièrement l’armée française.

Les quelque 20 000 tirailleurs sénégalais survivants furent renvoyés en Afrique et, peu après, les Antillais dans leurs îles. Tout cela avec des disparités de solde en fonction de la couleur.

Ce blanchiment marque le début de la déroute pour les tirailleurs, expulsés du champ d’honneur par la force des préjugés, puis parqués dans des camps pendant des mois avant de regagner pitoyablement leur pays d’origine.

Et quand, à Thiaroye, le 1er décembre 1944, ils auront le front de demander à l’armée française de leur payer ce qu’elle leur doit, leur mobilisation sera réprimée par un bain de sang.

Pour démobiliser les tirailleurs, on avança le prétexte du froid qu’ils ne pourraient pas supporter.

Sur la photo (prise dans le Doubs en octobre 1944) on voit des tirailleurs littéralement dépouillés de leur équipement américain et devant céder leur vêtements à de jeunes FFI.

Voici les vraies raisons du « blanchissement », qui ne furent jamais dites à l’époque, et que certains historiens ont encore du mal à formuler.

D’abord la crainte de « négrifier » l’Hexagone.

Tel était le principal grief des nazis qui reprochaient à la France d’être une nation métissée, donc abâtardie selon eux.

Il fallait préserver la « race » et le maintien des coloniaux – Africains et Antillais –  sur le territoire national était à cet égard un danger.

Sur ce point, on peut dire que Hitler a gagné la guerre puisque ses idées lui ont survécu, pour triompher médiatiquement et politiquement au début du XXIe siècle.

La seconde raison était la crainte d’une politisation des coloniaux qui aurait pu accélérer le processus des indépendances aussi bien en Afrique (ce qui devait être le cas moins de 20 ans plus tard) qu’aux Antilles-Guyane (ce qui fut évité grâce à la départementalisation prônée par Césaire).

On se reportera à ce propos à un courrier du général Diégo Brosset, commandant la 1ère division division française libre (qui venait de débarquer en Provence) adressé début septembre 1944 au général De Lattre, commandant la 1ère armée (ou armée B, regroupant les troupes françaises engagées dans le processus de libération) et qui dissipe toute équivoque :

« Il est absolument nécessaire que les Sénégalais soient relevés au plus tôt, non seulement en raison de leur inaptitude physique en saison froide, mais aussi par suite de la mauvaise influence qu’exercent sur eux les grandes villes. Le moral commence à baisser, l’annonce d’un armistice possible risque de provoquer des mutineries parmi eux s’ils ne sont pas rapatriés, tout au moins sur l’Afrique du Nord. »

En conclusion le blanchiment de l’armée à l’aube de la victoire fut motivé par la volonté de dissimuler les soldats africains avant la victoire finale, éviter un éventuel métissage entre ses soldats et les « blanches » des villes libérées, empêcher les revendications d’indépendance des populations colonisées qui pourraient en échange de l’effort de guerre revendiquer des droits.

Ce blanchiment de l’armée peut se résumer par une phrase « Les africains sont des indigènes et donc ne peuvent être des libérateurs. »

Parmi les sources :

http://www.une-autre-histoire.org/comment-la-france-a-blanchi-son-armee-en-1944/