Philippe Prévost écrit « on ne peut comprendre la Palestine aujourd’hui si l’on ignore l’histoire de l’Europe.
Pour contenir la puissance allemande, il fallait la prendre en tenaille: c’est ce que fit François 1er par l’alliance franco-suédo-ottomane, alliance qui perdure jusqu’à la mort de « l’homme malade de l’Europe ».
La chute de l’empire Ottoman est liée à la turquisation de l’empire aux dépens de l’arabe, à la conscription qui voit combattre des arabes contre d’autres arabes, à une laïcité malvenue en terre d’Islam.
Mais la chute de l’empire est surtout partie intégrante du projet colonial de l’occident.
Pour les britanniques il s’agit de consolider la route des Indes, tandis que les arabes doivent rester dans un état de sous développement favorable au pillage de leurs ressources naturelles et en premier lieu « le pétrole ».
Il faut également garder le contrôle du canal de Suez.
Pour les Français les objectifs sont plus mesurés, pays vaincu la france essaye de récupérer ses frontières d’avant 1870.
L’objectif du sionisme est la création d’un état pour les juifs, objectif théorisé politiquement par Herzl .
Philippe Prévost met en évidence la remarquable adaptation des sionistes aux retournements du conflit mondial.
La première préférence allemande (car ils étaient supposés gagner la guerre) puis le passage aux anglais dès que l’Allemagne fut menacée a l’est par les bolcheviques, enfin la conquête par les banques juives américaines du centre de décision des États Unis quant l’Angleterre frôle la banqueroute.
Rien n’est négligé: l’Italie et le Vatican sont courtisés.
Là où se joue la partie le lobby sioniste a toujours un coup d’avance.
En 1535 François 1er afin de se protéger de l’empire des Habsbourg d’un côté et de Charles Quint de l’autre forma une alliance avec Gustave Vasa, roi de Suède et Soliman le Magnifique.
Les Français pouvaient dès lors vivrent chez le grand Turc en pratiquant librement leur religion, disposer d’une juridiction locale et être dispensés de corvée, leur sécurité était garantie et la liberté du commerce assurée.
Ces alliances donnèrent un coup de fouet au commerce provençal.
La suprématie de la France au Levant devient telle qu’en 1569 Charles IX obtient de Selim II qu’il ne fut plus permis de naviguer que sous la protection du pavillon français.
En 1608 le sultan accorda à la france la protection des Lieux saints.
La France grâce à ses privilèges étend sa protection aux chrétiens d’orient et bénéficie d’une situation privilégiée dans ces régions en particulier en Palestine.
En 1683 l’armée turque fut anéantie sous les murs de Vienne, le déclin de la sublime Porte commença, menacée en même temps par la Russie et l’Autriche.
Les français essayèrent de venir au secours de leur allié en rapprochant les turcs et les suédois.
Villeneuve, ambassadeur à Constantinople, à partir de 128 réussit à traiter avec les russes et les autrichiens.
Il rétablit l’autorité du sultan sur les Balkans ainsi que sur la Moldavie et sur la valachie.
A son initiative un traité d’alliance fit signé entre la Suède et la Turquie.
En 1740 l’alliance entre le sultan et la france fut renouvelé pour la dernière fois et resta en vigueur jusqu’à la premier guerre mondiale.
A la fin du règne de Louis XV s’ouvrit un débat pour savoir ce qu’il conviendrait de faire en cas de désagrégation de l’empire Ottoman.
L’idée s’imposa que la création d’un empire colonial en Orient pourrait compenser la perte des îles, des Antilles en particulier qui produisaient du sucre.
Ce fut l’Égypte qui intéressait particulièrement la France, plusieurs missions furent effectuées en sa direction mais la révolution arrêta tout jusqu’à ce qu’en juillet 1797 l’idée de posséder des colonies et spécialement l’Égypte fut remis au goût du jour.
Spéculant sur la chute de l’empire Ottoman à moyen terme, il pensait que si l’empire reviendrait à la Russie et l’Autriche, la france pourrait revendiquer l’Égypte entre autre.
Talleyrand présenta un rapport le 14/02/1797 résumant l’avantage d’une conquête de l’Égypte, pays qui serait une colonie qui vaudrait à elle seule toutes celles que la france avait perdues.
Cela vengerait les échecs de la france durant la guerre de 7 ans en coupant la route du commerce anglais avec les Indes.
Et aussi une occasion inespérée pour se débarrasser d’un jeune général dont ils craignaient les ambitions : Bonaparte.
L’expédition fut lancée en juillet 1798.
La Turquie alliée de la france depuis 3 siècles fut obligée de se joindre à la coalition Angleterre/Autriche/Russie contre la France.
La Turquie pour lutter contre Bonaparte et son armée qui venaient de débarquer en Égypte fit appel à des troupes venues de tout l’empire et en particulier des albanais.
A la tête de l’armée Mehmet-Ali s’empara d’Alexandrie, puis continua sa conquête en Arabie et au Soudan.
Son fils Ibrahim envahit la Syrie, qu’il abandonna le 15/07/1840 sous la pression des anglais.
Après s’être lancée dans l’expédition d’Égypte pour couper la rouge des Indes, l’influence française à la cour de Constantinople fut remplacée par celle de l’Angleterre.
Herzl face à l’antisémitisme européen conclut sur l’assimilation était un échec et que seul le juif constitué en nation et ayant son propre état pourrait vivre dignement, il décida alors de rallier les juifs à sa cause, son appel ne fut pas entendu par les juifs occidentaux qui avaient trouvé un équilibre dans les sociétés où ils vivaient que ça soit en france, en Allemagne…mais son appel fit écho en Europe centrale et en Russie où les juifs étaient discriminés.
Pour Herzl la première fondamentale était que les juifs sont un peuple non simplement une religion et qu’ainsi ils doivent se sentier étranger partout ailleurs que chez eux.
Il alla à la rencontre des grands de ce monde afin d’exposer le « sionisme » et demander de l’aide, il rencontra le kaiser, le sultan, le pape…sans succès.
Mais en 1903 il reçut un message du ministre des colonies britanniques l’informant que le gouvernement anglais était intéressé par le projet.
Herzl réussit à transformer la liturgie synagogale en question concrète de droit international.
Il place le sionisme sur la plan politique et non plus religieux.
A sa mort ce fut David Wolffsohn qui lui succéda.
Lui et les membres du parti sioniste essayèrent de convaincre les autorités des différents pays de les aider à réaliser cette tâche mais sans réel succès.
Walter Laqueur écrit « il est douteux que sans la guerre le sionisme eût jamais acquis la moindre autonomie.
En effet certains dirigeants sionistes comprirent de bonne heure que tout ce que leur mouvement n’avait pas réussi à atteindre en temps de paix, il pourrait l’obtenir pendant ou après une guerre qui devait forcément entraîner la révision d’un grand nombre de problèmes internationaux restés jusqu’alors sans solution. »
Ainsi face au nationalisme arabe qui cessait de se développer dans les terres arabes de l’empire Ottoman, naquit le nationalisme juif.
Herzl avait tenté sans succès de faire de sa revendication un problème central, là où le fondateur du sionisme politique avait échoué, la guerre allait réussir.
Une fois la première guerre mondiale déclenchée en Europe, russes et allemands eurent tout intérêt à y entraîner la Turquie, l’Allemagne comptait sur les Ottoman non seulement pour garder les d’étroits mais aussi pour conquérir l’Égypte, soulever la perse et imposer en transcaucasie une série d’états indépendants d’où elle pourrait menacer les Indes par l’Afghanistan.
De leur côté les russes rêvaient pour des motifs religieux de chasser les turcs de Constantinople et pour des raisons économiques et politiques de mettre la main sur les deux rives du Bosphore.
Le démembrement progressifs l’empire Ottoman leur avait permis de se rapprocher de leur but.
L’une des raisons pour lesquelles les allemands avaient poussé les turcs à entrer en guerre à leurs côtés était qu’ils comptaient bien utiliser le califat et la puissance religieuse qu’il représentait pour semer troubles et révoltés parmi les musulmans des Indes et d’Afrique du nord.
Pour répondre à ces mesures qui visaient à couper les routes des Indes, les anglais cherchèrent à soulever le monde arabe contre les turcs en s’appuyant sur le chérif Hussein de la Mecque.
Cela permettait aussi d’évincer la france du proche orient et en particulier de Syrie.
La participation de l’empire Ottoman à la guerre eu pour conséquence d’augmenter les impôts ce qui augmenta l’impopularité turc chez les arabes, les anglais proposèrent au chérif de prendre la tête de la révolte arabe et conclurent un pacte avec lui, s’engageant à défendre le futur état arabe.
Les accords sykes-picot
Les accords de mars/avril 1915 avaient réservé la Mésopotamie à l’Angleterre, la Syrie et la gilicie à la france.
Compte tenu des exigences de Hussein, Londres devait clarifier les choses sous peine de se heurter à des graves difficultés en raison de promesses contradictoires.
Il fallait donc délimiter de façon précise les zones respectives d’influence.
Le gouvernement britannique demanda au gouvernement français d’envoyer à Londres un délégué compétent pour régler la délimitation de la Syrie.
M.Georges Picot fut désigné pour négocier avec Briand.
Paris acceptait le projet de constitution d’une souveraineté arabe en faveur du chérif de la Mecque, mais sur quelle région devait s’exercer cette souveraineté, là résidait la difficulté puisque la Syrie étant un pays arabe, elle était convoitée par Hussein alors que c’était une terre d’influence française de longue date.
Les accords de 1840 donnait le nom de Syrie méridionale à la Palestine.
Paris revendiquait la Palestine.
Nicholson chargé de reprendre les négociations proposa à paris de laisser Beyrouth et la côte voisine en dehors du royaume arabe ainsi que la Palestine mais pour le reste à savoir Damas, Homs, Hama, Alep, Deir El zor et Mossoul les arabes les récupéraient.
Les anglais voulaient juste jeter de la poudre aux yeux aux arabes.
Sir Mark Sykes prit part aux négociations et proposa à Picot de poursuivre celles ci en tête à tête.
Il proposa à la france la pleine souveraineté sur le Liban et Beyrouth, la région de Mossoul sauf Kirkouk mais revendiqua la Palestine.
Picot proposa de la diviser en 3 zones, une française, une anglaise et une internationale.
La France et l’Angleterre se mirent donc d’accord par avance sur la création de l’empire arabe et son territoire.
Par la suite ils se réunirent avec la Russie et signèrent ce qui fut appeler les accord sykes-picot afin de mieux se dégager de ces accords et faire croire qu’ils sont le fruit d’accord secrets entre diplomates et non des accords officiels, alors que ceux ci liaient trois gouvernements : Paris, Londres et petrograd.
Chaïm Weizmann, juif russe installé en Angleterre prit position dès le début de la guerre en 1914 en faveur des pays de l’entente, son but était que leur victoire soit celle de l’Angleterre c’est à dire du sionisme, fut ce au détriment de la France et des arabes qui revendiquaient la Palestine dans le découpage du moyen orient programmé lors des accords sykes-picot.
La France contrairement à l’Angleterre était héritière d’un riche passé au proche orient.
Elle avait été longtemps protectrice des chrétiens d’orient et amie des musulmans.
Negib Azoury écrit « de toutes les puissances européennes, la France est celle qui offre aux opprimés et aux malheureux le concours le plus généreux et le plus spontané. La nation française est essentiellement chevaleresque. »
La France bien que républicaine est héritière de la monarchie et donc protectrice des chrétiens d’orient.
Ce protectorat hérité de ses alliances avec le monde musulman depuis des siècles.
La France héritière de ce riche passé ne pouvait accepter les prétentions des juifs à une priori exclusive de la terre sainte.
Noam Slousch plaida pour la reconnaissance par la France des ambitions sionistes « comment la France républicaine, celle des droits de l’homme pouvait elle s’opposer à la réalisation d’une entreprise d’émancipation nationale d’un groupe humain? »
« Serait appréciée par la grande majorité de la population juive du monde comme un acte de justice et de générosité digne de la France. »
La France envoya Sylvain Lévy professeur au collège de France aux États Unis afin de voir qu’elle est la force du sionisme, il déclara « le juif commande à New York et New York commande à l’Amérique. »
Le 12/03/1916 l’ambassade d’Angleterre à Paris fit connaître à Briand une proposition qui serait de nature à gagner aux alliés des sympathies des juifs en Amérique et ailleurs qui actuellement sont acquises en grande majorité aux puissances germaniques.
L’idée proposée par Lucien Wolf juif anglais était que dans l’éventualité où la Palestine revienne à la Grande Bretagne et la France après la guerre, ceux ci devraient prendre en considération les intérêts des juifs afin de faciliter leur émigration et en échange ils s’engageraient à ce que les États Unis prennent cause en faveur des pays de l’entente.
Georges Picot au nom du gouvernement français déclara que le sionisme est en parfaite harmonie avec la cause pour laquelle les maliens sont entrain de combattre.
C’est pour cela que le gouvernement français a pu reconnaître les revendications sionistes.
Il y a évidemment de nombreuses difficultés sur la route mais elles sont surmontables.
Dès 1917 les autorités britanniques cherchaient à rendre obsolètes les accords sykes-picot.
Et les sionistes représentés par Weizmann voulaient que la Palestine soit sous protectorat anglais afin que l’autonomie des juifs puissent se faire, cela ne pouvait être possible qu’en écartant la France de la Palestine et ce en annulant les accords sykes-Picot.
Au bord de la crise financière et rongé par les défaites militaires, Londres se plia aux directives de Washington en échange de prêts financiers de la part des banques juives américaines et de l’entrée en guerre des États Unis à leur côté.
La revendication américaine était la création d’un foyer national juif.
La France fit mise à l’écart de toutes ces négociations bien qu’elle était la première intéressée de part les accords dykes-Picot et son passé lié à la Palestine.
Sir Mark Sykes se rendit au Vatican pour rencontrer le Pape Benoit XV à la sortie de l’audience celui ci déclara « craignant une tutelle abusive de la France sur les lieux saints, le Vatican ne serait pas opposé à ce que l’Angleterre exerçât une sorte de protectorat sur la région. »
Le Pape ajouta « les buts des sionistes n’étaient pas opposés aux désirs des chrétiens en général et des catholiques en particulier en ce qui concerne les lieux saints. »
Le cardinal Gasparri ajouta « vous ne rencontrerez aucune opposition de la part de l’église. Au contraire vous pouvez compter sur notre sympathie. Nous serons contents de voir la terre d’Israël. »
On est loin de l’accueil que Pie X avait réservé à Herzl lors de sa visite « les juifs n’ont pas reconnu Notre Seigneur, nous ne pouvons donc reconnaître les aspirations nationales de juifs. »
Le Vatican insista sur leurs revendications de droits sur Jérusalem, bethléem et Nazareth.
Le Vatican préféra la Grande Bretagne à la France à cause de la position anticléricale de celle ci depuis 1880.
Dès la prise de Jérusalem le Pape traita l’Angleterre comme l’héritière des droits de la France en terre sainte.
La France en ayant rompu ses relations diplomatiques avec le saint siège depuis 1904, rupture aggravée par la dénonciation du concordat en 1905, s’était mis l’église à dos.
Par la suite le Pape fut accusé de partisan du sionisme et malgré les propos en faveur du sionisme qu’il avait eu lors des rencontres avec Sykes et Sokolow, il n’hésita à publier un démenti dans la revue « the tablet » où il déclara « ce serait pour. Lis et pour tous les chrétiens un grief très grave si des mécréants avaient une position supérieure et plus privilégiée que les autres en Palestine. »
Dans l’impasse la déclaration de Balfour fut approuvée en février 1918 par la France qui s’alignait sur l’Angleterre en reconnaissant le foyer national juif en Palestine.
Les autres gouvernements alliés s’y rallièrent ensuite.
Cette déclaration aura pour conséquence d’évincer la France de la terre sainte .
Les juifs vivant en Palestine étaient 60 000 alors que les arabes, chrétiens et musulmans 600 000.
Zangwill dit « un peuple chassé une fois de son pays ne peut y rentrer qu’à la pointe de l’épée et cela est même impossible pour un peuple disséminé à moins que l’épée ne soit celle d’un ami puissant. »
Cet ami était l’Angleterre.
Pour la France comme le dit Pichon la diversité des peuples et des religions vivant dans cette région rendait impossible l’attribution de la souveraineté aux juifs il fallait un domination commune en reconnaissant chaque communauté vivant en autonomie mais dans le cadre de l’état international.
Mais la déclaration de Balfour était prise au nom de l’Angleterre comme si la Palestine leur appartenait déjà et sans même concerté les arabes à qui la Palestine avait déjà été promise par les anglais eux mêmes.
Cette déclaration fausse et contraire à la réalité allait servir de caution aux sionistes pour fonder leur état sans que les autres pays n’est vu la chose venir.
La France s’aligna sans en comprendre la portée et perdit ce que les accord de Sykes-Picot lui avaient garantis.
Ainsi le France qui était la puissance européenne la plus présente en Palestine avant 1914 vit brutalement son influence disparaître dans tous les domaines, le français qui était la langue la plus couramment parlée fut remplacée officiellement par l’anglais et l’hébreu.
En acceptant la déclaration de Balfour au mépris de l’histoire et de la justice la France avait donné les pleins pouvoirs au sionisme et à l’Angleterre.
Les alliés avaient utilisé les arabes dirigés par le chérif Hussein pour prendre à revers les turcs qui menaçaient le canal de Suez et le pétrole de mossoul et les juifs afin d’amener les États Unis à entrer en guerre à leurs côtés et surtout à financer la guerre.
Arthur Koestler à propos de la déclaration de Balfour dit « une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d’une troisième. »
Source « la France et la déclaration de Balfour »