Précieuses remarques sur le livre « le soleil d’Allah brille sur l’occident »

Le cheikh Mohamed Said Ramadan Al Bouti écrit dans son livre « vers la civilisation humaine à la lumière du Coran »:

Je me rappelle l’écrivain allemand Sigrid Hunke, et son ouvrage «le soleil d’Allah brille sur l’Occident » qui comprenait un bel exposé de la plupart des réalisations de la civilisation islamique.

A peine cet écrivain avait-elle publié son livre, que les questions des lecteurs affluèrent de toutes parts, demandant par quel secret cette civilisation avait pu briller de la sorte, et pour quel motif elle s’était ainsi flétrie.

Voilà comment fut réduit à néant l’effort considérable qu’avait fourni cet écrivain pour mettre en évidence la célébrité de cette civilisation dans le passé, réduit à néant par le trouble qu’elle avait engendré chez des lecteurs qui avaient poussé leurs réflexions au-delà du livre…

J’ai constaté que tous les traités concernant la civilisation islamique écrits par des étrangers, ont deux caractéristiques constantes :

1) En ce qui concerne les réalisations de la civilisation islamique, et surtout les réalisations concrètes comme l’architecture, les arts et métiers, le développement des sciences humaines et des sciences physiques, l’auteur restreint le débat, et n’aborde pas tout ce qui touche à la base, à l’origine de ces réalisations, ni tout ce qui concerne l’esprit d’invention qui les a accomplies ;

2) Le charme des descriptions se rompt immanquablement sur la question qui trouble l’esprit de chaque musulman : « Pourquoi cette civilisation s’est-elle figée, après une telle prospérité ? ». Question à laquelle l’auteur répond d’emblée «C’est la faute de la solitude dans laquelle vit le monde musulman, la faute de sa non-ouverture sur des mondes autres que le sien !», et ainsi de suite…

Le livre dont nous avons déjà parlé, de Sigrid Hunke, intitulé «le soleil d’Allah brille sur l’occident», en est déjà un exemple.

Elle y a exposé la plupart des réalisations islamiques à l’apogée de cette civilisation ; de plus, elle propose une comparaison assez objective entre la civilisation islamique à son apogée, et l’Occident à la même époque, pour ce qui était des sciences et de l’humanisme. Il est évident que le lecteur en arrive à se demander quel était le secret de telles réalisations de la civilisation islamique, nées dans une nation qui n’était auparavant que comme une matière brute, dépourvue d’urbanisation, de civilisation et de progrès social…

Il se demande aussi quelles sont les causes de la disparition de ces activités remarquables, et du retard accusé par cette nation à l’heure actuelle.

Dans son livre, l’écrivain semble n’avoir pas voulu aborder cette question. Mais quelques temps après la parution de son ouvrage, elle a rédigé un exposé distinct sur ce problème, exposé qui fut lu dans une conférence organisée par un pays arabe.

Peut-être fut-elle poussée à aborder ce sujet par ses lecteurs, musulmans ou non. Nous allons voir ce qu’elle en dit.

Pour ce qui est des facteurs qui ont amené la nation islamique à l’apogée de sa civilisation, voici ceux qu’elle avance :

1) L’étude du langage coranique, qui a alphabétisé tous les musulmans ;

2) Les obligations qu’imposent certains préceptes de la religion : étude de l’astronomie, des mathématiques, de la propreté de l’hygiène, par exemple ;

3) Les enseignements et préceptes du Prophète (Que les bénédictions et la Paix de Dieu soient sur lui), incitant à se poser des questions et à en chercher les réponses dans la science ;

4) L’acquisition de toutes les sciences connues à l’époque ;

5) L’explication des textes grecs et indiens, la vérification de leur validité, et les commentaires faits à leur sujet ;

6) L’obligation d’acquérir les sciences non islamiques, et le fait de les avoir utilisées comme arme pour défendre l’islam ;

7) Le fait d’avoir encouragé la poursuite de recherches personnelles et le développement des aptitudes intellectuelles ;

8) L’élargissement de l’horizon intellectuel, grâce aux émigrations, excursions et échanges ;

9) Le climat de liberté d’opinion et de tolérance qui prévalait.

Quant aux facteurs qui ont mené la nation islamique à la dégradation et à la stagnation, voici ceux qu’elle a cités, en résumé :

1) Les conquérants étrangers, et principalement les Turcs, qui se sont intégrés (selon ses propres termes) dans la civilisation musulmane ;

2) Les croisades et les guerres contre les Mongols ;

3) Le fanatisme et la restriction imposée aux courants intellectuels ;

4) La propagation de la pensée mythologique, due à la soumission et à l’abdication, et qui eut pour conséquences la propagation du courant soufi et celle du fatalisme déterministe ;

5) La vénération du passé et la croyance en l’invisible (selon l’expression de l’auteur).

6) La domination des Turcs (elle en parle deux fois !) qui ont fait des différents pays arabes des provinces de leur état ;

7) Le colonialisme anglais, français, italien, espagnol… qui vint ensuite.

Après avoir cité tous ces facteurs, elle s’est rétractée, manifestant une sympathie pour la nation musulmane, pour laquelle nous devrions peut-être la remercier : elle a dit que ces facteurs n’ont pas nécessairement vidé le contenu de la civilisation qui a pu, autrefois, atteindre des sommets.

Elle a dit qu’il restait en elle tous les facteurs nécessaires à une renaissance originale…

En fait, l’écrivain n’a pas mené très loin sa recherche de tels indices, les trouvant dans les mouvements de libération nationaux qui surgissent ça et là sur les territoires arabes.

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Voilà le résumé de la conférence de l’orientaliste allemande Sigrid Hunke, qui constituait un

appendice à son ouvrage « Le soleil d’Allah brille sur l’occident ».

Vous pouvez constater par vous-mêmes à quel point ses réponses sont superficielles, pour justifier le

passé glorieux ou la décadence de la civilisation : elles ne résultent pas d’une analyse profonde !

Entre ce type de réponses, et la vérité telle que vous avez pu la lire dans les chapitres précédents, il y a un abîme !

Je ne blâme pas l’écrivain allemand pour les points de vue qu’elle a exprimés : nous ne savons pas combien elle a du réfléchir pour les trouver, et elle n’a sûrement pas pu en trouver d’autres !

Je ne doute même pas de sa sincérité lorsqu’elle a écrit un si beau livre, ni de sa sincérité lorsqu’elle a rédigé sa conférence où elle devait affronter un grand nombre de savants, penseurs et chercheurs.

En fait, en ce qui concerne le chemin que trace le Coran vers une civilisation humaine exemplaire, on ne peut le percevoir et avoir la certitude qu’il est le secret de la prospérité de cette magnifique civilisation islamique, que si l’on étudie le Livre de Dieu avec soin et sans fanatisme. Cela sous-entend que l’on ait une foi complète en Dieu, en Ses livres, en Ses envoyés, et dans le Jour de la résurrection : il faut donc s’imprégner de la vérité de l’Islam et connaître ses bases fondamentales.

Nous voyons, de nos jours, beaucoup de musulmans qui sont dépourvus de cette certitude et de cette perception.

Alors, comment blâmer une scientifique étrangère qui n’a peut-être du Coran qu’une connaissance superficielle, si elle n’a pas pu s’initier au secret véritable de la prospérité de la civilisation islamique, et si elle n’a pas ressenti l’utilité de s’en référer au Coran pour comprendre la

réalité de l’univers, de l’homme et de la vie ?

Comment la blâmer si, dans ce cas, la vérité lui est restée masquée et si elle n’a pas pu fonder sa certitude ; comment aurait-elle pu trouver des arguments décisifs et sortir de l’impasse ?

Le malheur réside dans le fait que cette orientaliste ait pu, avec son analyse, induire en erreur les musulmans, et que ces derniers aient accepté docilement ses explications, se laissant persuader, non par des preuves évidentes, mais par le seul fait qu’elles provenaient d’une scientifique étrangère ou parce qu’eux-mêmes ignoraient totalement la voie proposée par le Coran et qui avait mené les premiers musulmans au miracle de la civilisation humaine exemplaire.

Le malheur, c’est quand tant de musulmans répètent ce genre d’analyse superficielle, dans leurs écrits comme dans leurs propos, et qu’ils en font le point de départ de leurs discussions…

Dès lors, quiconque a pu comprendre les indices de cette compréhension qu’avait acquise la société musulmane ancienne, quant à la réalité de l’homme, de sa vie, des composants de l’univers, et de leurs relations mutuelles, est à même de comprendre facilement ce qui a perdu la société musulmane actuelle, et l’a fait régresser culturellement et socialement. Il ne peut que se désoler de la voir ignorer elle-même les facteurs de sa dégradation, et accepter la première suggestion utopique venue…

Le monde musulman d’aujourd’hui souffre de sa lourde arriération, due aux voiles opaques qui enveloppent sa clairvoyance et l’empêchent de connaître la réalité de la création, ainsi que de saisir le sens de la mission pour laquelle il a été créé, le peuplement de la terre. Plutôt que d’admettre son ignorance, il est allé emprunter la mentalité et la conception des occidentaux ; en la matière : du coup, le monde musulman n’essaie plus de comprendre les choses autrement qu’en fonction des conceptions occidentales.

C’est ainsi que, aux yeux de la majorité des musulmans d’aujourd’hui, l’homme est au centre des délices terrestres ; ils suivent en cela les occidentaux et leurs dirigeants. Quant à la valeur de la vie dont jouit l’homme, elle est devenue pour ces musulmans, comme la dernière carte à jouer qui reste dans la main : ils ne la jouent que contraints et obligés : c’est bien conforme à la philosophie occidentale !

Pour ces musulmans, le monde est vu comme une table servie, couverte de plats délicieux, et devant laquelle ils prennent place tels des gourmands devant un festin exceptionnel !

En résumé, nous disons que la nation musulmane, dans ses conceptions intellectuelles et ses perceptions conscientes, est tombée dans la zone d’attraction de l’occident : quel que soit le côté vers lequel elle se meut, elle reste influencée par cette attraction vers l’occident. Les musulmans vous paraissent discuter très librement les pensées et opinions, rectifier les règles de conduite et autres aspects de la vie en toute neutralité…

Mais la source de leurs pensées et de leurs critères est oblitérée par le fait qu’ils restent intimement persuadés qu’on ne peut considérer l’univers et la vie qu’en fonction des conceptions adoptées par la civilisation occidentale puisque, d’après eux, c’est elle qui s’est imposée partout dans la vie sociale.

Certes, des voix s’élèvent ça et là, s’inscrivant en porte-à-faux par rapport à cette attitude, mais ceux qui parlent ainsi sont en dehors de la zone d’influence ou à la limite : ils n’ont pas d’autorité pour pouvoir jouer le rôle d’une force d’attraction contradictoire, compensatrice.

Je ne veux pas dire ici que la civilisation islamique ne s’est éclipsée qu’après avoir vu fleurir la civilisation occidentale : si elle était restée à son apogée jamais la civilisation occidentale n’aurait pu rayonner et acquérir de la puissance au point d’attirer dans son orbite les autres nations. Sur la balance, le plateau de celle-ci n’a pas pesé que lorsque le plateau de celle-là s’est allégé…

En fait, la civilisation islamique est restée à son apogée jusqu’au début du califat abbasside, en dépit de l’apparition sporadique d’erreurs et faux-pas d’importance variable : en général, les erreurs diverses s’annulent et se perdent dans le courant positif global. Au plus ce courant positif est fort, au plus vite ces erreurs sont dissoutes : mais si on ne contrôle pas leur argumentation, on les laisse s’accumuler et former une masse compacte ; cette masse croît au fond du courant et se manifeste ensuite (si le courant positif de la civilisation s’affaiblit), pour enfin former un bagage s’opposant de front au courant positif, risquant de le diviser.

C’est donc à l’époque du califat abbasside que le graphique de la puissance et de la prospérité de la civilisation islamique commença à osciller entre le bas et le haut, car elle était altérée par son morcellement et sa dislocation, ainsi que par son affaiblissement à la suite des expéditions des croisés et des mongols.

Cependant, elle conservait toujours le secret de sa prospérité et l’esprit qui l’animait.

Avec l’apparition du califat ottoman, aux racines solides, le graphique de la civilisation islamique recommença à s’élever, avec une bonne part de l’unité retrouvée. La nation musulmane en grande partie réunifiée se trouva raffermie, de sorte que le graphique atteignit un sommet à l’époque du calife Muhammad le conquérant : la vie fleurit de cette prospérité, sous forme de science et de puissance, de richesse et d’unité.

À l’époque médiane du califat ottoman s’insinua dans le corps de la civilisation islamique ce qui avait déjà ruiné l’état ommayade établi en Andalousie par ‘Abd ar-Rahmane ad-Dakhel : la séduction par l’argent, le penchant pour les délices terrestres, l’aspiration à une vie luxueuse, et le gaspillage du temps en futilités…

Alors, l’état ottoman commença à décliner, à s’affaiblir : il vit apparaître la concurrence et les disputes ; c’est ainsi que les gens ne prirent plus garde à l’ennemi qui n’attendait que le moment favorable…

Depuis, le graphique n’a pas cessé de baisser jusqu’à nos jours…

Qu’est-il donc arrivé ? Qu’est ce qui a fait chuter cette étoile, l’empêchant de renaître ?

Ce qui est arrivé, c’est que cette civilisation a perdu son secret et s’est éloignée de son âme propre. Or son secret et son âme n’étaient pas autre chose que les explications du Coran sur la réalité de l’homme, de l’univers et de la vie, et sur la meilleure façon de traiter avec ces éléments, comme nous l’avons déjà expliqué.

Les hommes se sont laissés dévorer par leurs passions et leurs désirs, et n’ont pas senti la nécessité de remettre le monde d’ici-bas à sa vraie place, ni de le traiter conformément aux prescriptions du Coran ; c’est ainsi qu’ils se sont dispersés pour faire la course aux délices et aux moindres passions, et se sont détournées des grands problèmes.

Au moment où les musulmans plongeaient ainsi, l’occident s’éveillait d’un long sommeil ; c’est là que la vie civilisatrice, selon une règle qui lui est propre et que nous expliquerons plus tard, se propagea pour fleurir et acquérir de la puissance.

L’Occident dut sa domination à son éclat, qui attirait et séduisait l’âme et le corps de l’homme, ainsi qu’à sa science et son esprit d’initiative.

Il était indispensable que cette nouvelle civilisation étende sa zone d’influence : elle couvrit une bonne partie du globe. Il était compréhensible que tous ceux qui étaient dispersés se laissent attirer dans sa zone d’attraction : et les voilà qui, jusqu’à maintenant, tournent dans son orbite. Et c’est eux que vous voyez se disputer à propos de l’attitude à prendre vis-à-vis de cette civilisation ou de ses villes !

Plus amusant encore : ils finissent par tomber d’accord sur le fait que tout ce dont ils ont besoin pour résoudre le problème, c’est de la liberté d’interprétation et d’initiative en matière de religion, pour pouvoir sélectionner dans la civilisation occidentale, ce qui est bon et utile…

Ils parlent comme s’ils n’étaient pas déjà ouverts à cette civilisation, et comme s’ils n’en étaient pas déjà tous des satellites !